Réfugié-e-s : Sangatte à Paris.




En novembre 2002, Sarko, avec son talent connu de bateleur de foire, avait trouvé la solution au « problème » des réfugiés : fermer Sangatte pour le journal de 20 heures et courir à autre chose.

Comme tout le monde s’en doutait, ce coup médiatique ne réglerait rien, et surtout pas la volonté obstinée de milliers d’hommes et de femmes en quête d’asile et d’un avenir meilleur. Quelques jours plus tard, des centaines d’exilés kurdes, afghans, irakiens, tournés vers le supposé eldorado britannique se retrouvaient en errance dans le Calaisis, réduits à se terrer dans les bois et les bunkers de la côte. À Cherbourg, au Havre, à Bordeaux puis à Paris on retrouvait les mêmes réfugiés, tentant de trouver accueil et soutien.

En mars 2003, plusieurs associations découvraient qu’à Paris aussi les trottoirs étaient les nouveaux centres d’accueil des demandeurs d’asile. Autour de la Gare du Nord et du square Alban-Satragne dans le Xe arrondissement, plusieurs centaines d’exilés réduits à la rue et aux parkings souterrains attendaient la possibilité de partir vers l’Angleterre, la Belgique ou l’Allemagne. Ils venaient s’ajouter aux milliers de demandeurs d’asile réduits à Paris aux foyers d’urgence et aux repas de rue. Pour leur venir en aide et faire connaître cette situation dramatique, se constituait alors le collectif de soutien aux exilés du Xe arrondissement [1].

Manifestations, occupations comme celle du SSAE [2] en octobre 2003, actions de soutien comme « l’appel à coucher dehors » lancé en juillet dernier se sont succédé afin d’élargir la mobilisation et d’interpeller le gouvernement et la mairie de Paris. Sans résultat, puisque le 24 octobre un Srilankais était retrouvé mort de froid dans le Xe arrondissement, et que début décembre un groupe d’une cinquantaine d’exilés était expulsé du parking souterrain dans lequel ils avaient trouvé refuge. Depuis cette date, la mobilisation continue de s’amplifier. Plusieurs associations (Gisti, Médecin du monde, Ageca, CICP...) et partis (Verts, PCF, Alternatifs) hébergent provisoirement dans leurs locaux des groupes d’exilés, et la journée européenne contre les centres de rétention du 31 janvier prochain [3] devrait être un nouveau moment de mobilisation.

Delanoë pour une ville « propre »

La situation des exilés du Xe arrondissement est aujourd’hui l’un des symboles de la nouvelle chasse officielle aux demandeurs d’asile et aux exilé(e)s. Sarkozy et de Villepin, ayant fait voter en décembre de nouvelles lois restrictives sur l’asile et l’immigration, sont à l’unisson de la plupart des gouvernements européens pour lesquels les migrant(e)s et les réfugié(e)s sont la nouvelle cible, enjeu de tous les fantasmes sécuritaires et nationalistes, esclaves bon marché et silencieux, terrain d’expérimentation de la casse générale des droits.

Du côté des élu(e)s loca(les)ux, Delanoë en tête, c’est au mieux l’hypocrisie générale au pire les discours haineux. Malgré les déclarations de principe faites à Paris soutenant la demande de moyens d’hébergement et de prise en charge, chacun se renvoie la balle, espérant qu’à l’usure les demandeurs d’asile iront voir ailleurs si on leur ouvre la porte. « Je ne veux pas de mini-Sangatte à Paris » déclarait Delanoë à la presse au mois de décembre, traduisant parfaitement le gouffre sidéral entre le discours humanitaire et la réalité des actes. Qu’il se rassure, Sarkozy travaille pour lui. À la Préfecture de Paris, des centaines de demandeurs d’asile attendent en vain jour et nuit d’être autorisés à demander l’asile en France. Des milliers d’autres finissent par croupir dans les centres de rétention administratifs en pleine généralisation. Les bobos sont bien protégés et les touristes enchantés.

Une lutte globale

D’ici à 2005, la nouvelle loi sur l’asile devrait créer en France plus de 250 000 nouveaux/nouvelles débouté(e)s. Ils/elles viendront s’ajouter aux centaines de milliers de sans-papiers et à toutes celles et ceux qui, comme dans le Xe arrondissement de Paris, transitent en Europe vers un pays d’accueil. La régularisation est donc plus que jamais un combat primordial pour les syndicats et les organisations révolutionnaires. Elle constitue un moyen immédiat de combattre le fascisme et la destruction des droits sociaux. L’utilisation massive de sans-papiers dans plusieurs secteurs de l’économie constitue autant de délocalisations sur place servant au patronat dans son offensive idéologique. Mais cette régularisation ne doit être qu’une première étape d’une lutte pour la reconnaissance pleine et entière des droits, une véritable liberté de circulation et d’installation qui dépasse et efface les frontières.

Jérome (Paris-Est)

[1Plus d’infos sur le site http://pajol.eu.org

[2Service social d’aide aux émigrants, organisation parapublique chargée de l’accueil des demandeur(se)s d’asile.

[3Journée initiée en poursuite du Forum social européen de Paris par plusieurs organisations de sans-papiers. Elle devrait donner lieu à plusieurs dizaines d’actions et de manifestations simultanées dans toute l’Europe.

 
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