SNCF : La CGT plombe la grève




Comme nous le signalions dans le précédent numéro, le mécontentement grondait chez les agents de conduite SNCF et menaçait d’éclater à l’occasion du changement de service de décembre. Retour sur la genèse d’un conflit certes catégoriel, mais qui représente la partie émergée de l’iceberg.

La direction profite systématiquement du changement de service de décembre pour flexibiliser les roulements dans le but d’augmenter les gains de productivité, en rognant sur les rémunérations (il faut savoir que chez les agents de conduite les primes représentent au final environ un tiers du salaire) et sur les conditions de travail. S’ajoutent à cela la déqualification des postes, l’ultra-spécialisation par activité (Fret, TGV, TER...) et l’embauche de conducteurs retraités en CDD par la SNCF – officiellement pour les “ empêcher d’être embauchés par la concurrence ” (sic). La logique de la direction est inspirée par la concurrence, décidée dans les instances européennes avec l’aval du gouvernement français dans le secteur Fret, et donc par l’obsession martelée de la rentabilité, au détriment du service public.

Difficile unité syndicale

Si le conflit a éclaté chez les agents de conduite sur des revendications catégorielles, c’est notamment parce que cette période du changement de service peut permettre un mouvement d’ampleur nationale et parce que les syndicats qui pèsent chez les agents de conduite sont la CGT, la FGAAC, SUD-Rail et, dans une moindre mesure, FO.

Depuis plusieurs mois, les organisations syndicales avaient unitairement interpellé la direction, qui avait multiplié les réunions de “ concertation ” stériles. Fin novembre, le prétendu “ dialogue social ” était donc au point mort du fait de la direction, sans compter qu’entre-temps il y avait eu la nomination très politique d’Anne-Marie Idrac à la tête de l’entreprise et ses récentes provocations médiatiques délibérées contre les syndicats, en faisant référence au contexte du mur de Berlin et de la guerre froide. Toutes les fédérations syndicales faisaient donc le constat de l’impasse des négociations avec la direction nationale.

L’unité syndicale des fédérations s’est toutefois lézardée au dernier moment, malgré la multiplication des préavis locaux unitaires à la base dans les dépôts. Et c’est ainsi que seules les fédérations SUD-Rail et FO ont finalement déposé un préavis national reconductible pour le 10 décembre afin de donner les moyens aux agents de conduite de coordonner l’action au plan national. La FGAAC faisait valoir que seul son congrès, qui se tenait du 5 au 7 décembre, pouvait décider de la suite à donner, sachant que du coup elle était hors délai pour s’associer à un préavis démarrant le 10. Et la CGT s’est placée dans une situation de grand écart entre, d’une part, des équipes localement dans l’action unitaire et, d’autre part, une ligne fédérale dénonçant le fait que “ certaines organisations syndicales tentent d’instrumentaliser le mécontentement et de dévoyer les mobilisations à d’autres fins que celles de faire aboutir les revendications ”.

Un conflit potentiellement porteur

Il est d’autant plus regrettable que la CGT et la FGAAC n’aient finalement pas joué la carte du conflit au niveau national à partir du 10 décembre que le mécontentement s’était pourtant traduit à la base par une volonté d’en découdre unitairement et une véritable montée en puissance de la situation conflictuelle. C’est ainsi que, dès début décembre, les dépôts des régions de Clermont, Caen, Saint-Etienne, Paris-Rive-Gauche, Avignon, Marseille, Strasbourg... étaient partis en grève reconductible sur des préavis locaux avec de forts taux de grévistes et que certaines directions locales ou régionales avaient même lâché du lest, de peur d’une extension du conflit – preuve que le préavis et l’appel national à la grève reconductible ont pesé dans la balance.
Si la reconduction de la grève n’a guère pu être possible au-delà du 11 décembre, compte tenu du contexte syndical interfédéral défavorable, les grévistes et les fédérations qui les soutenaient ne sont pas tombés dans le piège de la marginalisation d’une grève nationale de fait minoritaire et pour conserver le potentiel de mobilisation des équipes en lutte.

C’est pourquoi la perspective de la manifestation nationale des cheminot-e-s du 8 février 2007 reste une date importante, à condition de prendre également le temps de porter le débat dans nos structures syndicales respectives sur la nécessité d’une manifestation nationale à caractère interprofessionnel. Dans un contexte de campagne présidentielle qui occulte généralement le débat social, les mobilisations récentes aux Impôts, à la Poste, dans les Télécoms, dans l’Education nationale… montrent la nécessité de se fixer une initiative commune d’ampleur pour faire face au patronat et au gouvernement.

AL Rail


<titre|titre=Pressions “modernistes” sur la CGT-Cheminots>

Lors de l’arrivée d’Anne-Marie Idrac à la tête de la SNCF le 12 juillet, plusieurs médias avaient noté que la fédération CGT avaient d’emblée montré un raidissement, justifié, envers celle qui fut secrétaire d’État aux Transports lors de la grève de 1995, puis lors de la casse de la SNCF par la création de Réseau ferré de France (RFF).

Cela se traduisait notamment par un vote de défiance des administrateurs CGT lors de la séance d’intronisation au conseil d’administration SNCF. Quelques journaux remarquèrent cependant que seulement deux des quatre administrateurs et administratrices CGT avaient respecté la consigne de vote contre.

Deux choisirent en effet la traditionnelle abstention, au mépris du mandat fédéral : la représentante de l’Union fédérale des cadres et agents de maîtrise-CGT (l’équivalent de l’Ugict chez les cheminots) et un rallié de la CFDT en 2003. C’est en réalité un coup d’éclat des partisans du « modernisme » de Bernard Thibault qui estiment que la fédé Cheminots, dirigée par Didier Le Reste, ne se « recentre » pas assez vite. Quelques mises à l’écart des instances fédérales vont avoir lieu suite à cette affaire, qui risque d’avoir des répercussions à l’approche du congrès de la fédé, en mars 2007.

Pour nous, l’essentiel est ailleurs : l’ouverture, même par ce biais très partiel, d’un débat sur la politique et la pratique syndicales doit permettre aux syndicalistes révolutionnaires actifs et actives dans la CGT de s’exprimer, de peser.

 
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