Sans-papiers : Anesthésier un marchand de sommeil




Illégalement convertie en logement par un marchand de sommeil, la clinique du 50 rue Michelet à Bondy abrite cent cinquante résidents, en lutte depuis plus de deux ans pour des régularisations et pour un habitat décent.

Derrière la société officiellement propriétaire des lieux se cache le Dr. Mignen, un anesthésiste en retraite, mais exploiteur bel et bien en activité, qui loue les chambres de la clinique (10 m2) pour 500 euros par mois, voire plus ! Tous les occupants ont un bail – aux clauses illégales – et paient leur loyer. Mais une quarantaine d’entre eux étaient sans-papiers il y a trois ans [1], ce qui en fait des cibles faciles.

Papiers : 80% de régularisations

Depuis, la lutte a payé. Les résidents se sont constitués en association [2] et ont su mobiliser un comité de soutien sur la ville. Certes, ce dernier s’est étiolé au fil du temps : en dehors d’Alternative libertaire 93 et de Bondy autrement [3], on ne voit guère les autres composantes quand il faut constituer ou déposer les dossiers. Malgré les changements d’interlocuteurs – déjà trois préfets et sous-préfets d’arrondissement successifs –, résidents et soutiens ont obtenu trente-cinq régularisations. La lutte continue pour les cinq derniers cas à régler.

Menace d’expulsion

Mais aujourd’hui, une nouvelle menace plane sur les résidents : celle de l’expulsion. Après plusieurs années de procédures, la municipalité de Bondy a fait condamner le propriétaire à effectuer des travaux de remise aux normes. Des travaux bien nécessaires : en avril 2009, un incendie a dévasté trois chambres, et révélé la dangerosité des systèmes de sécurité.

Le propriétaire prend maintenant prétexte de cette condamnation pour assigner les résidents en justice, en vue d’une expulsion ! Le fait que les résidents s’organisent pour se défendre incite probablement le propriétaire à remplacer des habitants trop « rebelles » par de plus démunis, donc plus dociles. Le Dr Mignen a par ailleurs cessé tout entretien des locaux : plus aucun ménage n’est fait dans les parties communes. Les résidents s’attendent à ce qu’il coupe l’eau ou l’électricité prochainement, pratique dont il usait déjà en cas de loyer en retard...

Quelles perspectives ?

Officiellement, la mairie de Bondy soutient les résidents du 50 rue Michelet. Elle s’est engagée publiquement à faire rétablir les fluides en cas de coupure. Cependant, elle refuse toujours de parler de ses projets pour le lieu. Le scepticisme est donc de mise, entre les maigres perspectives de relogement, et le refus des autorités « compétentes » de reconnaître officiellement l’insalubrité des logements, afin ne pas se créer d’obligation.

Alors que la majorité municipale se gargarise de son rôle dans les régularisations, résidents et soutiens savent bien que tout ce qui a été obtenu ne l’a été que par la lutte. Et c’est par la lutte que la question du logement peut trouver une issue favorable. L’association des résidents s’est constituée en comité Droit au Logement. Ce 12 septembre, veille de l’audience provoquée par Mignen (finalement reportée au 24 janvier), un repas de solidarité a réuni quelques quatre vingt personnes, démontrant que les familles ne sont pas isolées.
Reste le plus difficile : développer encore la mobilisation pour obliger municipalité et préfecture à prendre leurs responsabilités à l’encontre du propriétaire comme envers les résidents.

Laurent Scapin (AL 93)

[1Lire « Bondy : des papiers, pas des tractopelles ! », dans AL n° 167 de décembre 2007

[2michelet-bondy.over-blog.fr

 
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