Sport : Éloge de la passe par Collectif, éd. libertaires




Ça commence avec un aveu drolatique et ça finit en feu d’artifice d’anecdotes du sport libertaire, libéré, libératoire… notamment des idées reçues.

L’aveu, c’est celui de Jean-Marc Reynaud (l’un des auteurs) qui raconte comment il a longtemps caché à ses camarades libertaires qu’il aimait le sport, et même – infamie suprême – qu’il pratiquait tant qu’il pouvait.
Recueil d’articles écrits pour la circonstance, repris du Monde libertaire ou d’autres revues parfois anciennes, Éloge de la passe est bien une louange à tout ce qui rend plus vivant, plus solidaire, plus politiquement fort aussi, dans le sport. Et l’ensemble se fait dans une belle humeur contagieuse.
Essentiellement footballistiques, les chroniques rappellent comment la classe ouvrière a récupéré à l’aristocratie des sports souvent issus des terroirs, et comment se clivent les pratiques : équitation et tennis d’un côté, et de l’autre football et Jeu à XIII. Elles font l’analyse, sous la plume de Jean-Claude Michéa, des contradictions de l’intelligentsia « de gauche » à l’égard du ballon rond, mais aussi de la manière dont l’argent a dénaturé jusqu’à ses tactiques de jeu : son organisation interne.

On y confirme que les maillots rouge et noir des équipes de rugby de Toulouse et de Toulon ne doivent rien au hasard, mais beaucoup aux réfugiés espagnols de la CNT, et on y relate le match de la revanche : FC Cronstadt vs FC Lénine (ça ne s’invente pas). Toujours à propos du Rugby on apprend le rôle de Vichy pour éradiquer le jeu à XIII, trop populaire, trop marqué politiquement, au profit du jeu à XV et ce jusqu’en dans les années 1970 !

Au-delà de l’anecdotique, l’ouvrage se penche aussi avec profondeur sur le débat politique du rôle du sport, de son rapport au corps, à l’autre, aux notions mêmes de compétition et de concurrence. Et s’il demeure largement favorable à l’exercice sportif, il n’écarte pas les points de vue contraires, examine le phénomène « supporteurs », l’enjeu capitaliste que forme le sport comme vecteur d’une idéologie. Pareillement, il explique ce que pourrait être un sport collectif libertaire, débarrassé des arbitres, à équipes mixtes, autogéré, aux règles discutées préalablement au match.
À l’arrivée, et malgré une certaine inégalité dans la qualité des articles, le livre se lit comme une aventure, non seulement d’un passé glorieux de footballeurs prolétaires, teigneux et glorieux, désintéressés et politisés, mais aussi d’un avenir incarné par des initiatives militantes et sportives aussi multiples que jouissives, et aussi créatives que provenant avec bonheur de tous les coins du monde.

La passe ! la passe !

Cuervo (AL Banlieue Nord-Ouest)

• Collectif - Wally Rosell, Éloge de la passe, Changer le sport pour changer le monde, éd. libertaires, 2012, 208 pages, 13 euros.

 
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