Stérilisation volontaire : C’est aux femmes de décider !




Bien qu’elle soit légale depuis plus de quinze ans, la stérilisation volontaire continue de soulever les passions, et les femmes qui souhaitent y avoir recours doivent s’armer de patience…

La loi du 4 juillet 2001 relative à l’IVG et à la contraception, en plus d’avoir amélioré l’accès de toutes et notamment des mineures à l’avortement et à la contraception, a également légalisé la stérilisation volontaire. En principe, toute personne majeure peut demander à être stérilisée, après un délai de réflexion de quatre mois et avoir confirmé sa demande par écrit.
Afin d’éviter tout malentendu, précisons que l’on parle ici du contexte français, et de la stérilisation comme d’un acte librement consenti. Il n’est pas question des stérilisations de masse pratiquées sur des femmes dans certains pays du monde, comme récemment en Inde, ou comme elle était pratiquée par les médecins français sur les femmes de peuples colonisés.

Une stérilisation à deux vitesses

Pourtant, en 2011, seules 4 % des Françaises avaient eu recours à cette méthode définitive de contraception, contre 36 % des Américaines et 33 % des Canadiennes. De même, chaque année, 1 500 vasectomies (stérilisation masculine) sont réalisées en France, alors qu’aux Pays-Bas le nombre de ces opérations s’élève à 25 000 tous les ans.

Ainsi, si la stérilisation volontaire est autorisée depuis plus de quinze ans, le regard qui est porté sur les femmes qui en font la demande a peu évolué : leur choix est souvent vu comme un acte « militant », comme la démonstration de leur irrationalité ou encore comme la manifestation d’une souffrance. Il y a bien des femmes à qui l’on conseille fortement la stérilisation sans qu’elles l’aient demandée par ailleurs : celles qui vivent des allocations familiales et ont déjà trois enfants, celles qui ont eu recours plusieurs fois à l’IVG et viennent de milieux populaires, celles qui sont issues de l’immigration, ou encore celles qui sont en situation de handicap mental [1]

Quant aux autres, toutes celles que l’on estime réunir les conditions nécessaires pour fonder une famille (être en couple stable hétérosexuel bien sûr, avoir des revenus réguliers, avoir terminé ses études…), on va au contraire les dissuader de se faire stériliser, même si elles formulent explicitement la demande : « Vous êtes sûre que vous n’allez pas le regretter ? », « Vous êtes trop jeune pour faire un tel choix », « Avec tout ce qui existe aujourd’hui en matière de contraception, vous ­exagérez ! »

Pas toutes égales devant la procréation…

Les arguments des opposantes et opposants à la stérilisation volontaire montrent bien à quel point l’idée qu’il est naturel pour une femme de vouloir des enfants s’impose à toutes, que l’on veuille procréer ou pas.

Ainsi dans un très instructif webdocumentaire intitulé J’ai décidé d’être stérile, on peut entendre Mme Mesmin d’Estienne, théologienne spécialisée en bioéthique, nous dire que la stérilisation, même volontaire, est une « atteinte à l’intégrité du corps, à la dignité de la personne » et que c’est « une décision très grave ». Prendre les moyens de s’éviter définitivement une grossesse non désirée ne peut donc pas être un choix réfléchi et pesé, non, c’est pure folie. On y écoute aussi le docteur Gabelle, gynécologue-chirurgien : pour lui, pas question d’opérer des patientes sans enfant, ou des femmes trop jeunes, puisque il y a bien assez de méthodes contraceptives permettant de « vivre une vie de femme » sans avoir recours à la stérilisation. On voit bien que ce n’est pas lui qui se coltine les effets secondaires, le prix des contraceptifs (car non, ils ne sont pas tous remboursés), et le stress des retards de règles… et pourquoi devoir utiliser une contraception toute sa vie si l’on sait que l’on ne souhaite pas procréer ? Mais bon, les hommes, qui plus est s’ils sont médecins, se considèrent mieux placés que les femmes pour décider de leurs vies ! On pourrait multiplier à l’infini les propos de ce genre, qui, sur fond de misogynie, nous infantilisent, nous obligent à nous justifier dès que l’on sort des sentiers battus, et surtout, nous empêche de maîtriser comme nous le souhaitons notre fécondité, qu’il s’agisse de la contrôler temporairement ou de s’en débarrasser pour toujours.

La question du regret

« Mais tu risques de le regretter... » est sans doute la phrase la plus entendue par les femmes voulant être stérilisées (et peut-être aussi celles qui déclarent ne pas vouloir d’enfants). Bien qu’il s’agisse là aussi d’une décision irréversible, on le dit beaucoup moins à une femme qui souhaite poursuivre une grossesse, sauf si l’on estime qu’elle n’est pas apte à élever un enfant (trop jeune, trop pauvre, trop célibataire…). S’il n’existe pas d’étude sur le pourcentage de parents qui regrettent d’avoir eu des enfants, les études américaines sur la stérilisation montrent que seulement 15 % des personnes y ayant eu recours ont des remords. Cela peut paraître beaucoup, on peut aussi se dire que ce n’est pas suffisant pour refuser l’accès à la stérilisation au 85 % restants qui ne le regretteront pas ! Et pour la France, une étude menée entre 2006 à 2010 à l’hôpital Bicêtre montre que seules 0,3 % des patientes ont demandé une chirurgie réparatrice ou une FIV après la stérilisation… On imagine donc bien que les médecins qui pratiquent la stérilisation volontaire peuvent être assez fins pour faire la différence entre une femme poussée par son conjoint, sa famille, et une femme réellement décidée, qui s’est renseignée sur l’acte, la procédure… Vouloir à tout prix éviter à une personne de regretter ses erreurs, c’est aussi l’empêcher d’être autonome dans sa vie ; regretter des choix, certes ça peut être douloureux, mais sans doute moins que de ne pouvoir en faire aucun, alors laissez-nous prendre nous même les décisions qui nous concernent, et si nous les regrettons… cela nous regarde !

Germaine (AL Toulouse)

Plus d’informations :

  • webdocumentaire J’ai décidé d’être stérile
  • martinwinckler.com, rubrique « contraception et gynécologie »
  • site du planning familial, rubrique « tout savoir sur... » puis « contraception définitive »
  • et toute la blogosphère féministe !

[1Jusqu’à la loi de 2001, les personnes handicapées mentales pouvaient être stérilisées contre leur gré, ou sans en être vraiment informées. La loi
de 2001 stipule que la décision de stériliser revient en dernière instance à la personne concernée, après audition par le juge des tutelles (la loi ne concerne donc que les personnes sous protection judiciaire, qui ne représentent pas la majorité
des personnes handicapées mentales).

 
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