Syrie : Les communautés prises à la gorge




La guerre civile fait rage en Syrie. Mais que s’y passe t-il vraiment ? Est-ce un combat entre démocratie et dictature ? Est-ce une guerre entre un État laïc garant des minorités et des terroristes islamistes ? En vérité, le pays se fracture bien plus en lignes communautaires qu’entre deux camps clairement identifiés.

Les espoirs de changements pacifiques se sont évanouis au fur et à mesure que la Syrie s’enfonçait dans la guerre civile. L’opposition politique, minée par les divisions, est incapable de fournir une alternative crédible au régime. Les occidentaux, redoutant une vacance politique après la chute du régime, encouragèrent la création du Conseil national syrien rassemblant une trentaine d’organisations. Suite à cette tentative avortée, une nouvelle structure est lancée en novembre : la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution. Elle ne fait toujours pas l’unanimité : plusieurs groupes de l’opposition, en particulier de gauche, ainsi que des partis kurdes refusent d’y adhérer.
Militairement, la situation est confuse. Le régime perd du terrain et le pays se fragmente en zones tenues par diverses factions armées. La plus importante d’entre elles est l’armée régulière.

Emiettement géographique de l’opposition

Affaiblie par les désertions massives, elle se rétrécit autour d’un noyau dur alaouite, le groupe religieux de la famille Al-Assad. L’Armée syrienne libre (ASL), qui recrute surtout chez les sunnites, est plus une franchise qu’une armée structurée. Basé en Turquie, son état-major est constitué d’officiers supérieurs déserteurs qui passent plus de temps à courtiser les occidentaux et les pétromonarchies qu’à organiser quoique ce soit. Sur le terrain, les zones contrôlées par l’opposition armée ont considérablement augmenté, mais on assiste à un émiettement géographique. Les unités qui se réclament de l’ASL contrôlent un quartier, un village mais ont des difficultés à se coordonner entre elles sur des territoires plus vastes. Constituée de déserteurs et de jeunes sans expérience, manquant d’argent, d’armes et de munitions, l’ASL, seule, ne peut vaincre militairement.

Fractures communautaires du pays

Dans ce contexte, les groupes armés sunnites islamistes jouent un rôle croissant. Composés de Syriens et d’étrangers, ils bénéficient de l’expérience acquise sur les fronts du djihad international. Généreusement financés par les pétromonarchies, mieux armés que l’ASL, ils forment les troupes de chocs de la rébellion. Les salafistes gagnent en popularité chez les sunnites mais font peur aux minorités, car ils ne se battent pas pour la démocratie mais mènent une guerre sainte qui vise d’abord les Alaouites et les Chiites, et touche aussi les Chrétiens. Les minorités sont tiraillées entre le rejet de la dictature et le refus d’une domination sunnite. Si des partis chrétiens adhèrent à la Coalition nationale, la peur des salafistes en poussent certains du côté gouvernemental. À Alep, des milices chrétiennes armées par le pouvoir défendent leurs quartiers contre l’ASL. Les Kurdes profitent de la situation pour faire avancer leurs revendications autonomistes, les zones qu’ils contrôlent à la frontière avec la Turquie sont défendues, les armes à la main, à la fois contre le pouvoir et contre la rébellion. Mais ils sont divisés entre le Parti de l’Union démocratique (Pud), branche syrienne du PKK turc, et les organisations qui composent le Conseil national kurde en Syrie (CNKS) proche des partis kurdes irakiens. En Syrie, ce ne sont pas deux camps bien définis qui s’affrontent, le pays se fracture selon des lignes communautaires. Comme aucune force en présence n’est capable de l’emporter, la guerre civile risque de durer.

Hervé (AL Marseille)

 
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