Téléperformance : Des rebelles au bout du fil




Teleperformance répercute sur ses salarié-e-s la pression de ses clients, Orange-France Telecom, SFR… et imite leurs pratiques ultra brutales. C’est compter sans les salariés qui résistent de manière originale et innovante.

Depuis juin dernier, le leader mondial des centres d’appels veut imposer aux salariés un plan social menaçant directement 475 emplois. Après une restructuration en 2009 de toutes ses filiales en France, l’entreprise prétend que la « sauvegarde de sa compétitivité » suppose de démanteler toutes ses activités Orange-France Telecom en Ile-de-France, et de supprimer près des deux-tiers des postes d’encadrants [1].

Comment Teleperformance comptait-elle se débarrasser de ces salariés ? En signifiant à 318 personnes leur mutation d’office à plusieurs centaines de kilomètres, vers Orléans ou Villeneuve-d’Ascq ! Ce sont les mêmes « mobilités forcées » qui ont fait tant de dégâts chez France Telecom. Les patrons savent s’échanger les bons tuyaux !

Sortir de l’ombre

Quand l’intersyndicale commence à montrer des signes de faiblesse, les salarié-e-s prennent collectivement leur destin en main : occupation de site, transferts d’appels vers les hauts dirigeants, interpellation des responsables politiques, débarquement massif aux sièges sociaux et agences des « donneurs d’ordre » (Orange-France Telecom, mais aussi Canal+, SFR, Vivendi…). Les salariés de l’ombre ne veulent plus être cachés derrière des téléphones : ils apostrophent directement ces « clients » qu’on leur apprend à servir « au mieux » mais surtout le plus rapidement possible pour assurer une productivité maximale et de substantiels bénéfices.

En juillet, les premières mobilisations ont lieu à l’appel unanime des 6 syndicats représentatifs dans l’entreprise (CFTC, CGT, CFDT, SUD, FO et CFE-CGC). Les beaux engagements unitaires ne tiennent pas longtemps : fin août, les plus défaitistes (CGC et CFDT) donnent un avis au comité central d’entreprise, permettant ainsi au patron de lancer son projet de destruction massive d’emplois. Les autres syndicats attaquent alors le plan social en Justice pour en suspendre l’application.

A la rentrée de septembre les salarié-e-s se constituent en collectifs autonomes [2] dans les centres directement menacés de fermeture – à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines) et Pantin (Seine-Saint-Denis). Il n’était pas question pour eux de subir les atermoiements des organisations syndicales, ni d’attendre sagement le résultat des procédures judiciaires. La plupart n’ont aucune expérience militante, mais, combinant les bonnes vieilles assemblées générales avec les SMS et vidéos tournées depuis leurs mobiles, ils réagissent immédiatement à leurs lettres de mutation.

Leur faire cracher des millions

Inspirés par les exemples des Molex et des Conti, ceux de Montigny (78) se sont lancés dans un « combat de la dernière chance ». N’attendant rien des syndicats, qui tantôt trahissent, tantôt disent lutter « pour le maintien des sites et de l’emploi », le collectif veut avant tout faire cracher le maximum de fric à ce groupe qui fait des millions de bénéfices, et médiatiser le conflit au maximum. Les salariés de Pantin (93), plus fortement syndiqués à de SUD et à FO, vigilants, présents tout l’été à chaque comité d’entreprise, plaçant les syndicats « sous surveillance », luttent aussi pour le maintien de leur centre.

Les collectifs organisent de nombreuses actions communes pendant tout l’automne. Ils ont appris peu à peu à se structurer et à se coordonner, car la lutte dure plus longtemps que prévu.

La justice suspend le plan social en référé le 22 septembre. La direction a tout fait pour contourner cette décision judiciaire. Et c’est toujours grâce à l’unité des salarié-e-s à la base que les syndicats ont pu dépasser leurs querelles de clocher : la majorité SUD, CGT et CFTC continue à s’opposer, et a lancé une nouvelle procédure judiciaire avec le CE. Le 10 décembre, le juge a proposé l’intervention d’un médiateur qui rend son rapport le 5 janvier. Si cette médiation échoue, c’est que Teleperformance refuse toujours d’annuler les mobilités forcées. La lutte reprendra de plus belle… avec toujours les collectifs en première ligne.

ELJoMan (SUD PTT)

[1En cinq ans Teleperformance passe en Ile-de-France de 2000 personnes à 900. Le plan actuel, véritable peau de chagrin, prévoit d’arriver à 350 salariés.

[2Sous le terme de « collectif autonome », les salarié-e-s de Teleperformance retrouvent l’esprit de ce qu’avaient été les « coordinations » des années 1980. A ce sujet, lire « 1986 : les coordinations de grévistes ouvrent une ère nouvelle » dans AL de décembre 2006.

 
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