Un communiqué des Panthères roses

Tirez pas sur la papamobile ?




Tirez pas sur la papamobile ?

Quand on dénonce l’influence de l’Église catholique dans la politique française, on nous reproche d’être complaisantEs avec les autres religions. Retour sur incompréhensions (plus ou moins malhonnêtes).
Début septembre, les Panthères roses ont, avec d’autres, dénoncé la visite officielle du pape à Paris et les gages que donnait là Sarkozy à son électorat catholique (1). Une position ainsi caricaturée par Charlie Hebdo : « Il y a ceux qui, façon Panthères roses ou JCR, iront courageusement se défouler contre le pape, alors qu’ils font les yeux doux à des prédicateurs islamistes le reste de l’année, sous prétexte d’être solidaires avec les "damnés de la terre" » (Charlie Hebdo, 10 septembre 2008).

Il n’est pourtant pas tellement dans nos habitudes de faire les yeux doux et nous serions curieuses de savoir avec quels prédicateurs islamistes nous aurions ainsi fricotté. Mais surtout, car la critique est récurrente, pourquoi nous renvoyer systématiquement à une critique des autres religions (et en particulier de l’Islam) – et à la complaisance que nous aurions vis-à-vis de celles-ci - lorsque nous dénonçons l’intrusion en France de l’Église catholique dans le politique ?

Les faits dévoilés

Tout a visiblement commencé en 2004, lors des débats autour de la loi sur les signes « ostentatoires » religieux à l’école, lorsque les Panthères roses se sont prononcées contre l’exclusion des filles voilées de l’école publique. Nous estimions – et estimons encore – comme de nombreuses autres associations et individuEs, que la priorité de l’école publique est de donner les moyens à toutes et tous de se construire à égalité. Les élèves ainsi exclues - et violemment discriminées – ne bénéficient en effet plus des mêmes chances : si certaines peuvent choisir l’école privée, d’autres se retrouvent isolées dans le foyer familial.

Nous ne nions là aucunement que le voile puisse constituer un outil d’aliénation. Mais personne ne nous fera croire que l’exclusion de filles refusant de se « dévoiler », puisse être un moyen de les émanciper. Au contraire, ce qui résulte de ces pratiques discriminatoires est la stigmatisation généralisée des femmes voilées, parce qu’elles sont musulmanes, et leur mise à l’écart du reste de la société. Étrange libération.

Dans les manifestations féministes, notamment celles du 8 mars entre 2004 et 2007, nous avons soutenu la participation de groupes féministes incluant des femmes voilées (2). Il nous semble en effet que lorsqu’un collectif se définit féministe et soutient explicitement les revendications d’une manifestation, il n’y a pas lieu - voile ou pas - de lui demander des gages supplémentaires. Exiger de ces femmes qu’elles enlèvent leur voile comme préalable à toute discussion et participation à la manifestation revient à leur demander de faire allégeance à un féminisme qui devient alors, sous couvert d’universalisme, humiliant, raciste et répressif.

Racisme d’État et instrumentalisation du féminisme

Depuis, on nous taxe donc, ici ou là, plus ou moins explicitement, d’ « islamogauchistes ». Mais en quoi les jeunes filles voilées à l’école ou les femmes voilées (féministes ou pas) dans les espaces publics en général, menaceraient-elles nos émancipations ? Plutôt que de clore le débat par une exclusion et une stigmatisation, ouvrons-le !

Depuis les années 80 et la marche pour l’égalité, le sort des populations immigrées et issues de l’immigration n’a pas connu d’avancées significatives en France. Discriminations multiples notamment à l’embauche ou pour l’accès au logement, violences policières, racisme et antisémitisme, restent le quotidien des non-blancs. Le durcissement systématique des lois sur l’immigration n’a cessé de renforcer l’équation lepéniste, immigration = problème. Enfin, la vague d’attentats de 1995 en France et le 11 septembre 2001 au niveau mondial, ont accentué la stigmatisation des populations arabes et musulmanes instaurant une nouvelle équation : arabe = musulman = extrémiste = terroriste.

En 2003, l’affaire du voile à l’école déclenche l’expression d’une violente islamophobie, qui éclipse pour beaucoup les problèmes réels (classes surchargées, attaques des services publics, inégalités des chances, sexisme, etc.).

La problématique telle qu’elle est posée n’est donc plus le racisme et l’antisémitisme profondément ancrés dans la société française mais bien les non-blancs/non-chrétiens qui refusent de se plier au mode de vie occidental (chrétien), qui ne savent pas s’intégrer et sont communautaristes. Car c’est bien souvent en rempart contre l’islam que la laïcité est invoquée : quand il s’agit du christianisme elle devient positive ! (3).

La classe politique invoque alors les droits des femmes pour mieux justifier un racisme anti-musulman. Sans pour autant se soucier des salaires inégaux et des temps partiels imposés aux femmes, le gouvernement exclut des jeunes filles de l’école et stigmatise les arabes comme étant les derniers machos de la société française. Le sexisme, bien délimité dans les classes populaires des banlieues, est nié dans toutes les autres sphères et milieux sociaux.

Tout serait donc rentré dans l’ordre ? Non. Pour nous, le féminisme s’est fait instrumentaliser à des fins racistes. Et l’idéal de l’universalisme républicain et de sa chère laïcité ne fonctionne pas parce que non, tout le monde n’est pas égalE. Aujourd’hui, des personnes ne disposent pas des mêmes droits que les autres (en termes de mariage, séjour, citoyenneté, parentalité et transmission du patrimoine), ne bénéficient pas des mêmes représentations, ni de la même place dans la société. Le droit à l’éducation est remis en question, et la loi excluant les jeunes filles voilées à l’école a des répercutions dans le reste de la société (4).

« Ce n’est pas une messe qui ébranlera notre République »

L’Église catholique a une place particulière en France et un lien idéologique puissant perdure entre les positions du gouvernement et les thèses réactionnaires du catholicisme.

Cette influence de l’Église catholique nous paraît à ce titre bien plus menaçante que celle des autres religions présentes en France, parce que c’est le Vatican qui interpelle ici les politiques pour s’opposer à l’IVG et aux unions homosexuelles (5). Et parce que ce sont les idées du Vatican qui sont accueillies et relayées par de hauts responsables politiques. Lors de la visite du pape, Chantal Brunel porte-parole de l’UMP a ainsi déclaré : « Ce n’est pas une messe qui ébranlera notre République, mais plutôt certaines dérives inadmissibles que nous combattons, dont le voile islamique à l’école, l’ouverture des piscines réservées aux femmes, les menaces à l’encontre des gynécologues hommes, la polygamie etc. ».

De même que nous ne nous sommes pas positionnéEs pour ou contre le voile en soi, mais contre l’exclusion de femmes voilées, notre propos n’est pas pour ou contre les religions en soi, mais contre leur influence dans le champ politique. C’est pourquoi nous dénonçons l’accueil en grande pompe du pape en France et la participation du gouvernement à la messe donnée à cette occasion. Et concrètement, nous ne voyons pas en quoi l’Islam constituerait en France une menace, si ce n’est pour celles et ceux qui se sentiraient par là attaquéEs dans leur occidentalité. Qu’elles et ils s’interrogent alors sur leur ethnocentrisme. Quant à nous, nous ne nions ni les violences et le sexisme des autres religions, ni leur poids différent dans d’autres pays, nous les dénonçons (6).

Nous sommes des gouines, des trans et des pédés. Nous sommes féministes. Nous dénonçons l’ordre moral et notamment l’influence de l’Église catholique dans les affaires d’État et l’élaboration de lois sexistes et homophobes en France. Et en effet, nous ne pensons pas que les autres religions y menacent aujourd’hui la laïcité de la même manière. Nous ne pensons pas que des hordes de mollahs se cachent derrière chaque femme voilée en France. En revanche, nous constatons qu’un racisme mal déguisé se cache souvent derrière une critique soi-disant progressiste de l’Islam. Cette critique se fait souvent au nom du féminisme. D’un féminisme qui s’est fait instrumentaliser à des fins racistes. Ce n’est pas notre vision du féminisme, que nous voulons d’émancipation, pas d’exclusion.


(1) « Remballe ton pape ! »

(2) « Pour un féminisme d’émancipation pas d’exclusion »

(3) Comme le montrent les tentatives de certains établissements scolaires publics d’imposer aux enfants de manger de la viande « laïque » dans les cantines en niant des habitudes et interdits alimentaires. Ainsi, les enfants musulmans et juifs pratiquants sont implicitement visés.

(4) En septembre 2008, une femme s’est vu refuser l’entrée de sa propre agence bancaire sous prétexte qu’elle portait un voile. En juin, une mère a été sommée d’ôter son voile pour accompagner des élèves lors d’une sortie scolaire ; grâce à l’appui des autres parents, elle a pu le garder mais a dû ne s’occuper que de son propre enfant.

(5) Cela nous a amenéEs à nous positionner à plusieurs reprises contre l’influence du religieux dans le politique :

« Les raisons de l’apostasie »

« Gouines, pédés et féministes s’invitent à la messe de Notre Dame de Paris »

« Mon corps m’appartient, ma sexualité aussi »

(6) Suite à des exécutions en Iran et en Arabie Saoudite, nous avons dénoncé les pays condamnant les actes homosexuels au nom de la Charia en organisant des manifestations avec d’autres associations LBGT :

« Malgré l’homophobie de l’État Saoudien, Chirac reçoit sans états d’âme le Prince Abdallah  » 

« Non à l’expulsion de Pegah Emambakhsh vers l’Iran  »

 
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