1810 : une gestion de la pollution se met en place




Le décret de 1810 prétendait réguler les activités industrielles polluantes. Mais il s’agissait bien plus de légitimer le développement industriel que d’en contrôler les conséquences, même si les questions abordées, répartition de la pollution et risques pour la population, semblent modernes.

Entre 1800 et 1850, les grands établissements et fabriques se développent. Les pollutions créées entraînent un mécontentement grandissant des riverains. Les préfets, confrontés au problème, demandent au Conseil de salubrité [1] de produire son avis sur chaque établissement. Nous entrons dans l’ère des techniciens et les décisions sont centralisées à Paris.


Lire : « 1791 : les pollueurs légifèrent, le peuple paie », novembre 2018


L’élaboration des nouvelles normes est légitimée par la mise en place d’un recueil de statistiques. Elles permettent aux industriels de construire leurs installations au plus près des populations sans être inquiétés. Il y a alors prédation de terrains vagues, de maraîchages ou tous autres grands espaces vacants dans les villes. L’État favorise le processus en mettant à disposition les biens ecclésiastiques nationalisés par la Révolution.

Ainsi, une loi prétendant réguler les nuisances industrielles a, au contraire, permis de rapprocher des centres urbains les établissements classés parmi les plus polluants. En région parisienne, cette vision de la répartition produit alors une forte pollution, en rupture avec la gestion pré-révolutionnaire. [2] Pour les villes plus petites ou les campagnes, l’éloignement des établissements est plus aisé. Mais là encore, quand il y a «  concertation  », elle se déroule à la capitale et non pas avec les citoyens concernés.


Lire : « Idées : La société face à l’industrie ! », octobre 2018


Un aménagement de classe

Le Conseil de salubrité a servi pendant des décennies les intérêts de l’industrie en passant sous silence la question de la santé. Le chimiste libéral Darcet, [3] très influent au sein du Conseil, a largement œuvré pour faire admettre une répartition des industries dans les quartiers pauvres, légitimant cet acte par le fait de les rapprocher de la main d’œuvre, ou «  que la valeur foncière augmenterait dans ces quartier déshérités  ».

Les beaux quartiers sont mis hors d’atteinte, puisque la présence de fabriques y dévaluerait les propriétés. Citons un des bons mots de Darcet  : «  [les] populations des ouvriers sont très tolérantes... plus difficiles à offenser pour des vapeurs que les voluptueux habitants de Choisy  ». Il se prononce aussi en faveur de la concentration d’établissements insalubres de Paris vers la vallée de la Bièvre, banlieue ouvrière et populaire du Sud parisien. Cet affluent de la Seine sera tellement pollué au cours du XIXe siècle qu’il finira par être couvert pour le faire disparaître aux yeux des parisiens.

Reinette noyée (AL Aveyron)

[1Lire Alternative libertaire, novembre 2018

[2Lire Alternative libertaire, octobre 2018

[3Thomas le Roux, « La mise à distance de l’insalubrité et du risque industriel en ville : le décret de 1810 mis en perspectives (1760-1840) », in Histoire & mesure 2009/2.

 
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