Il y a 100 ans

1908 : Le tournant social de la Ligue des droits de l’homme




Fondée en 1898 lors de l’affaire Dreyfus, la Ligue des droits de l’homme a pour objet de défendre des droits politiques et civiques, accordés dès 1789, mais souvent ignorés. Mais autour de 1908 la LDH commence à prendre conscience que l’égalité civique ne peut avoir aucune réalité sans une égalité sociale.

Sénateur de droite, mais d’une rare honnêteté intellectuelle, Ludovic Trarieux avait fondé la LDH pour soutenir le capitaine Dreyfus, rejoignant ainsi le combat de l’anarchiste Bernard Lazare. Dès ses débuts, la LDH avait été rejointe par nombre de socialistes, comme Francis de Pressensé ou Victor Bash, et d’anarchistes comme Séverine, Sébastien Faure ou Octave Mirbeau. Avant 1908, elle était engagée dans ses combats contre les abus policiers, militaires et coloniaux, contre la peine de mort, pour la défense des femmes, des enfants, des réfugiés et des étrangers, et contre le racisme.

Mais en octobre 1908, après avoir défendu des cégétistes accusés suite aux graves incidents qui ont eu lieu à Villeneuve-Saint-Georges et Draveil lors d’une grève [1], elle fait pour la première fois référence à la lutte des classes, dans une motion de son comité central. Celle-ci déclare que « la liberté des personnes est mieux observée lorsqu’il s’agit d’inculpés appartenant à certaines classes que lorsqu’il s’agit d’ouvriers ». Dès lors, répondant à un besoin exprimé depuis qu’en 1906 Georges Clémenceau, réputé proche du peuple, met en place une politique de répression rigoureuse contre les syndicats, la LDH s’engage dans la défense des droits sociaux.

Combat pour l’émancipation

Dès 1898 lorsqu’il s’agissait de défendre les anarchistes contre les lois scélérates (votées par le sénateur Trarieux), des socialistes (Francis de Pressensé, Thadée Natanson…) et des libertaires tels Paul Reclus, amènent en vain le débat sur les questions sociales : on ne peut défendre des libertés pour des individus pris dans une société qui les opprime, en tant que classe, dans leurs conditions de vie.

En 1908, la LDH en arrive à prendre ses distances avec les institutions, après une période de collaboration avec la République, qui la considérait quasiment comme un « ministère de la justice-bis ». Elle penche de plus en plus pour des actions collectives, sortant de la seule défense de cas individuels et se préoccupe des accidents de travail, des retraites et de plus en plus des droits syndicaux.

Dès lors, clairement située à gauche, elle se veut l’expression d’une volonté d’émancipation populaire, Ferdinand Buisson, socialiste et président de la LDH de 1914 à 1926, déclarant « elle [la LDH] n’a pas de barrière à gauche et tient à conserver le contact avec la masse populaire sans laquelle il n’y a pas de démocratie vivante ».

Armand (AL Paris Sud)

[1Lire « Juillet 1908 : Draveil-Villeneuve, la CGT à l’heure de vérité » dans Alternative libertaire de juillet-août 2008.

 
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