2016, 2010, 2003... Ruptures porteuses de sens




Le mouvement contre la loi Travail est à double face. Moins mobilisateur que les grandes luttes sociales contre le CPE ou en défense des retraites, il est néanmoins porteur d’espoir par sa durée (déjà quatre mois !) et la tournure radicale prise par la lutte.


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Pour nos ennemis de classe, l’instrumentalisation de l’histoire est utile pour tenter de rabaisser ceux et celles qui contestent leur légitimité. Pour eux la cause est entendue, car les luttes actuelles sont plus minoritaires qu’en 2006 contre le contrat première embauche, CPE) ou en 2010 (contre la casse des retraites) et le pays n’est pas bloqué. Il est indéniable que la difficulté à faire masse et à bloquer la machine capitaliste est bien réelle.

Cela s’explique notamment par le fait que la France compte 5 à 6 millions de chômeurs-ses dont près de la moitié ne sont pas indemnisé-e-s, un nombre massif de travailleurs-ses précaires, une répression antisyndicale qui a contribué à affaiblir la capacité de lutte et d’organisation du monde du travail, mais aussi par l’absence d’alternative faisant sens pour une partie significative des opprimé-e-s.

Pour autant ces arguments assénés à coup de matraque par le pouvoir ne sauraient masquer le profond désarroi qui est le sien.

Une radicalité inédite face à la « gauche »

Si on compare 2016 à 2010, 2003, ou même à 1995 et 1986, c’est la première fois qu’une contestation aussi forte et aussi déterminée s’exerce contre cette deuxième droite incarnée par un PS au bord de l’implosion qui ose se dire « de gauche ». Et c’est le premier enseignement de ce cycle de lutte et de contestation enclenché le 9 mars dernier. En ce sens on peut parler de clarification. Cette dernière s’étend au spectre syndical. A la fiction de l’intersyndicale dominée par le tandem CGT-CFDT a succédé une alliance de 7 organisations, pas exempte de contradictions, mais au moins marquée clairement par le mot d’ordre de retrait de la loi Travail.

Cette clarification s’est opérée sous l’impulsion d’individus, de collectifs et d’organisations, parties prenantes ou pas du syndicalisme. C’est vrai pour la journée du 9 mars, pour Nuit debout qui a favorisé la convergence des luttes, pour de nombreuses équipes syndicales et pour l’appel des syndicalistes « On bloque tout ! » qui a contribué à construire une majorité d’idées en faveur de la grève générale et du blocage de l’économie dans le camp de la contestation. Cela a pesé sur le congrès confédéral de la CGT en avril et sur l’intersyndicale, et même si elles n’ont pas appelé ouvertement à la grève générale illimitée, elles ont plus favorisé le développement des grèves et d’un mouvement d’ensemble que précédemment.

Une mise en cause de la démocratie représentative

Mais une des plus grandes avancées réside dans le fait que la contestation dépasse la remise en cause de la loi Travail. Cela est lié au fait que le système de représentation politique est à bout et que le capitalisme, qui n’en finit pas de nous faire payer ses crises, est de plus en plus pris pour cible. Les affrontements avec la police et le grabuge ciblé contre les enseignes capitalistes ne sont pas nouveaux, mais leur ampleur a contribué à renforcer le niveau de conflictualité.

Toutes ces avancées sont porteuses d’espoir pour l’avenir quelle que soit l’issue de la lutte contre la loi Travail. La mobilisation a réveillé à la fois la volonté d’en découdre, la capacité d’auto-organisation (certes insuffisante) et le désir d’utopie, d’autogestion et de démocratie directe.

Le pari de la lutte

C’est autour de ces idées mais aussi à travers les combats féministe, écologiste et antiraciste qu’il s’agit de construire des majorités d’idées. Des ruptures fortes ont été opérées avec le PS et le syndicalisme jaune. Il reste à subvertir davantage le champ politique en accentuant la crise des institutions et des projets s’inscrivant dans le champ de la gouvernabilité.

Dans ce sens 2017, peut être une opportunité non pas pour participer à la sinistre farce électorale, mais pour prendre des initiatives de nature à renforcer la gauche anticapitaliste et extraparlementaire. Pour cela il s’agira d’être créatifs et créatives dans nos révoltes, nos expressions et nos initiatives, mais aussi d’implanter et de construire partout des syndicats combatifs et une organisation libertaire à même de porter un projet d’émancipation. C’est ce pari qu’Alternative libertaire veut se donner les moyens de réussir en changeant d’échelle.

Laurent Esquerre (Paris nord-est)

 
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