A Contre Courant : Défaitisme de classe.




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


« Tous les syndicats sont pour la Constitution européenne ». Cette déclaration de Chérèque résume l’orientation générale que la Confédération européenne des syndicats (CES) s’efforce d’obtenir de toutes les organisations de salariés. Les instances dirigeantes de la CES ont apporté, le 13 juillet puis le 14 octobre, leur « soutien ferme au Traité ». Pour les confédérations françaises, c’est un peu plus nuancé : aucune n’est réellement contre la Constitution. Même si, parmi les 77 syndicats membres de la CES, il revient à FO le courage d’avoir voté - seul - contre la résolution d’approbation de la Constitution ; mais ce n’est pas encore une position contre la Constitution, ni une mobilisation syndicale pour le Non au référendum. Mais, c’est tout de même un premier pas. Ce qui, en l’état, est loin d’être l’orientation de la CGT. Son représentant à la CES, Guy Juquel ne déclarait-il pas le 13 juillet : « Il est indéniable que le traité constitutionnel représente une avancée réelle par rapport au Traité actuel […] Nous avons besoin d’un débat sérieux […] sur ce que peut apporter, comme point d’appui, le Traité pour faire avancer la dimension sociale de l’Europe. » D’ailleurs, la presse bourgeoise ne s’y est pas trompée. Le Monde se félicitait de la position « surprenante » de la CGT qui refusait d’exprimer son opposition. Il y a 12 ans, elle avait mené une campagne résolue contre Maastricht.

En pleine offensive, le Capital ne concède plus de « grains à moudre ». Si bien que le réformisme syndical, pour survivre, se contente d’un réformisme de régression. Depuis un certain temps déjà les hommes d’appareil ont pris la décision de s’en contenter mais sans clairement l’avouer. Adeptes désormais du défaitisme de classe, ils deviennent organisateurs d’abandons de luttes et de capitulations préventives ! Plus obscène et plus visible, le réformisme de régression de la CFDT est finalement moins dangereux que celui, encore sournois, de la direction de la CGT. Car derrière un discours (de moins en moins) revendicatif, Thibault - en s’appuyant sur des cadres de l’organisation et le légitimisme de certains adhérents - multiplient les compromissions qui sont autant de redditions. Reddition parfois sans condition comme vient de le montrer le conflit de Perrier où l’on vit ce spectacle irréel du secrétaire général de la CGT se faire la courroie de transmission du secrétaire général… de l’UMP. Tout cela pour obtenir la fin de la lutte des salariés en grève.

Au moment où le patronat avive la lutte des classes, l’exigence pour le capitalisme est double : empêcher l’apparition de toute forme autonome de combat social et intégrer le plus fermement possible toutes les formes organisées de contestation. Au premier rang desquelles, l’instrument historique du combat de classe du mouvement ouvrier : les syndicats. Ce réformisme de régression n’est que la politique du syndicalisme dégradé en corporatisme.

Avec une extraordinaire puissance d’intuition, Jack London, décrivait il y a un siècle dans Le Talon de Fer, le processus d’intégration corporatiste des syndicats à la « ploutocratie ». Et ces conséquences pour le mouvement ouvrier : disparition des organisations de classe, prolifération des castes, transformation de la lutte des classes en « révoltes d’esclaves »…

L’urgence et la nécessité du combat contre la CES - et contre la soumission de nos syndicats à ses orientations - sont un combat décisif contre ce projet politique funeste : l’intégration corporatiste des confédérations syndicales à l’oligarchie européenne et la constitutionnalisation d’une politique de collaboration de classe.

 
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