Accord du 11 janvier : Le patronat se taille la part du lion




Censé reposer sur du « donnant-donnant », l’accord du 11 janvier sur la « modernisation du marché du travail » est en réalité un accord de flexibilisation des contrats de travail, sans contrepartie significative pour les salarié-e-s.

Au chapitre des avancées, retenons que l’accord du 11 janvier s’engage à abandonner le contrat nouvelles embauches (CNE). Un bien petit sacrifice, puisqu’après avoir été condamnée par les tribunaux européens et montrée du doigt par le Bureau international du travail, la France se voyait contrainte d’en finir avec le grand frère du CPE. Notons également que la « portabilité des droits », cette notion qui permet au ou à la salariée licenciée de ne pas perdre ses droits acquis dans une entreprise, sera inaugurée sur les régimes d’assurance complémentaire et certains droits à la formation (DIF). Autant dire trois fois rien en regard des besoins.

François Fillon a annoncé que l’accord serait transposé dans la loi d’ici l’été. Une fois encore le Medef s’en tire royalement. Une fois encore la CFDT a gémi : « Si on ne signe pas, l’État légifèrera et ce sera bien pire. » Une fois encore, les travailleuses et les travailleurs sont les dindons de la farce.

Zoom sur trois des mesures les plus régressives.

1. Périodes d’essai rallongées

Auparavant : La période d’essai d’un CDI n’était pas fixée par la loi, mais par les conventions collectives. Elle variait généralement de une à deux semaines pour les ouvrières et ouvriers ; un à deux mois pour les employés et techniciens ; trois à six mois pour les cadres (avec les renouvellements).

Désormais : La période d’essai sera fixée par la loi : un à deux mois pour les ouvriers et employés ; deux à trois mois pour les agents de maîtrise ; trois à quatre mois pour les cadres. Les renouvellements de périodes d’essai permettront de doubler cette durée, jusqu’à quatre, six et huit mois respectivement.

Enjeu : Pendant sa période d’essai, la personne salariée peut être licenciée sans préavis ni indemnité.

2. Séparation par consentement mutuel

Auparavant : la rupture d’un contrat de travail ne pouvait se faire que sous la forme d’un licenciement ou d’une démission.

Désormais : Il existera une troisième solution : la « rupture conventionnelle », d’un commun accord. Le ou la salariée bénéficiera de l’indemnité de licenciement et de l’assurance-chômage, mais perdra le droit de recourir aux prud’hommes. La procédure pour attaquer son patron aux prud’hommes est par ailleurs complexifiée pour le ou la salarié-e qui souhaite y recourir. Quant aux indemnités et dommages et intérêts, ils seront dorénavant plafonnés.

Enjeu : On peut s’interroger sur la signification que peut avoir « consentement mutuel » alors que ces mesures reviennent à renforcer considérablement la relation inégalitaire employeur/salarié.

3. Un contrat précaire de plus

Désormais : Il existera une sorte de contrat de mission réservé aux ingénieurs et cadres. Il s’agira d’un CDD « à terme incertain », pour la « réalisation d’un objet défini ». Le contrat sera de douze mois minimum, pourra aller jusqu’à 36 mois et sera non renouvelable.

Enjeu : C’était une vieille revendication du patronat du secteur informatique (branche Syntec). Les sociétés de service en ingénierie informatique (SSII) pourraient ainsi cesser de payer, entre deux missions, les consultantes et les consultants qu’elles envoient dans des entreprises clientes.

G. D.

 
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