Afghanistan : Les mensonges de l’OTAN




Les partisans occidentaux de l’occupation de l’Afghanistan redoublent d’effort pour tromper des opinions publiques qui doutent de plus en plus du bien-fondé des arguments de l’OTAN. Elles ont raison de douter, comme nous allons le voir en démontant quelques-uns des arguments les plus couramment entendus.

« Les troupes occidentales défendent la démocratie
en Afghanistan. »

Sûrement pas. Les institutions « démocratiques » de la République Islamique d’Afghanistan servent de façade aux chefs de guerre non Pachtounes réunis dans l’Alliance du nord. La plupart sont d’anciens moudjahiddins islamistes qui ont combattu l’armée rouge avec l’aide des USA. Ils sont détestés par la population à cause de la lutte pour le pouvoir qui les a opposés après la chute du gouvernement pro-soviétique de Nadjibullah en 1992. Pendant cette guerre civile, les exactions ont été monnaie courante. Ils n’ont pas hésité à bombarder Kaboul à l’artillerie lourde, par exemple. Au point que l’entrée des talibans dans la capitale en 1996 a été un soulagement pour une grande partie de la population. À côté des islamistes, on trouve Rachid Dostom, un ancien général « communiste » qui a depuis retourné sa veste plusieurs fois, il est réputé pour sa brutalité. Cette alliance hétéroclite est arrivée au pouvoir en 2001 à la suite de l’invasion étasunienne, ses membres n’ont pas changés : réactionnaires, corrompus, criminels. Leur enrichissement personnel passe avant la reconstruction du pays et le bien être de la population est le cadet de leurs soucis. Les États-Unis ont imposé le président Hamid Karzaï, il est le vernis démocratique nécessaire pour leurrer les opinions publiques occidentales. Mais son pouvoir se réduit à Kaboul, tandis que les chefs de guerre font la pluie et le beau temps dans leurs fiefs respectifs. L’intervention occidentale n’a rien changé au féodalisme au lieu de la démocratie promise. Et cela ne changera pas, car les alliés locaux de l’OTAN n’ont aucun intérêt à construire une société démocratique qui signifie la fin de leurs privilèges.

« Il faut combattre les terroristes en Afghanistan pour éviter que l’Europe et la France soient frappées par des attentats islamistes. »

Cela n’a aucun rapport. L’occupation de l’OTAN a eu pour effet de marginaliser les Pachtounes qui représentent environ 40 % de la population. Ce qui motive les insurgés ce n’est pas le djihad international comme on veut nous le faire croire. Ils souhaitent seulement chasser les troupes étrangères et reconquérir le pouvoir que les Pachtounes ont perdu au profit des autres groupes qui composent le pays. Il n’y a pas de mouvement de résistance unifié, l’insurrection est morcelée dans de nombreux groupes armés d’importance diverses. Les plus puissants sont les talibans qui suivent le mollah Omar, et les vétérans de la guerre sainte contre l’URSS Hekmatyar et Haqqani, chacun disposant de troupes nombreuses et bien armées. Et puis il y a une nébuleuse de groupes constitués de jeunes ruraux qui défendent leur vallée, leur village contre l’envahisseur quel qu’il soit. Ils ne suivent pas le mollah Omar mais des guides politiques et spirituels locaux. Les premiers peuvent monter des opérations d’envergure, alors que les seconds n’attaquent que quand on vient les provoquer sur leur territoire. Les seuls points communs entre eux sont un nationalisme plus pachtoune qu’afghan et un islam réactionnaire. Enfin, il y a Al-Qaïda qui regroupe les combattants islamistes d’origine arabe ou d’Asie centrale. Si ce groupe est omniprésent dans la couverture médiatique il ne pèse pas lourd sur le terrain afghan. La mouvance Al-Qaïda pratique effectivement un terrorisme international de masse, mais penser y mettre fin en occupant l’Afghanistan est une illusion dangereuse. La croisade contre le terrorisme n’a fait que jeter de l’huile sur le feu, au contraire du but recherché elle a provoqué une forte augmentation du nombre d’attentats islamistes dans le monde. Le meilleur vaccin contre un attentat en France, c’est de quitter l’Afghanistan, pas d’y envoyer des troupes supplémentaires.

« La guerre est gagnable si les pays de l’OTAN envoient des moyens militaires supplémentaires en Afghanistan. »

C’est faux. Les États-Unis se sont lancés dans une escalade militaire où ils entraînent leurs alliés de l’OTAN, dont la France depuis l’élection de Sarkozy. Mais jusqu’à présent cette stratégie a donné le résultat opposé, l’insurrection se renforce dans les régions pachtounes du sud et de l’est et elle s’étend en direction de l’ouest et du nord, des régions ethniquement plus mélangées. Les raisons de son échec sont simples. La population est de plus en plus exaspérée par l’incapacité du pouvoir central à améliorer des conditions de vie très dures. L’intensification des combats entraîne la multiplication des opérations de ratissage, des emprisonnements arbitraires, des tortures, des exécutions sommaires. Toute concentration de personnes est considérée avec suspicion et devient une cible potentielle de l’aviation. Les « bavures » se multiplient à mesure qu’augmentent les attaques aériennes (en moyenne 35 par jour en 2007, 68 en ce moment). En conséquence de quoi le rejet de l’occupation se renforce, ce qui alimente la résistance armée. Cette stratégie jusqu’au-boutiste a même pour effet d’étendre la guerre au Pakistan voisin qui sert de base arrière aux islamistes armés. Comme à l’époque de la guerre contre l’URSS, les Pachtounes pakistanais accueillent leurs cousins afghans et leur offrent des refuges pour reprendre des forces entre deux combats. Irrité par la mauvaise volonté et l’incapacité de l’armée pakistanaise à s’attaquer au problème, le Pentagone a décidé d’agir unilatéralement. Actuellement, le Pakistan est le théâtre d’attaques de drones équipés de missiles et de commandos au sol, ce qui provoque une fièvre nationaliste qui pourrait entraîner une insurrection anti-occidentale généralisée dont les islamistes seraient les premiers bénéficiaires. Le risque est grand qu’après avoir plongé l’Afghanistan dans le chaos, Washington et ses alliés déclenchent une catastrophe au Pakistan, un pays de 165 millions d’habitants qui dispose d’un arsenal nucléaire.

« Quitter l’Afghanistan, c’est laisser le pouvoir aux talibans et tuer dans l’œuf tout espoir d’un avenir meilleur pour les Afghanes et les Afghans. »

L’alternative n’est pas entre occupation ou talibans, mais entre guerre à durée indéterminée ou négociation de paix entre factions afghanes. L’insurrection armée ne pouvant être écrasée par la force, la fin du conflit passera obligatoirement par un accord avec les talibans et leurs alliés. Mais pour négocier un accord de paix, il faut d’abord que les troupes étrangères quittent le pays. Il est possible qu’après leur départ, les factions continuent de se combattre, mais c’est peu probable. En effet, la guerre ravage l’Afghanistan depuis 1979, la population est épuisée. L’occupation terminée, les combattants devront poser les armes s’ils veulent conserver le soutien de leur base sociale. Dans un premier temps, les islamistes imposeront leur politique réactionnaire, ce qu’ils font déjà de toute façon, mais leur domination n’est pas éternelle. La guerre est le terreau sur lequel ont poussé les féodaux de l’Alliance du Nord et les talibans, seule la paix peut créer les conditions nécessaires à l’émergence d’une alternative sociale, démocratique et laïque. Cela fait 30 ans que la guerre a complètement marginalisé les courants progressistes, comme le groupe féministe révolutionnaire Rawa qui lutte courageusement depuis sa création en 1977. Une fois la paix revenue, il faudra certainement de nombreuses années avant que les progressistes aient une audience de masse, et d’autres encore pour faire reculer réellement l’emprise du féodalisme, du patriarcat et de l’intégrisme religieux sur la société. Mais il n’y a pas d’autres solutions, la guerre engendre des guerriers, pas des démocrates. La meilleure façon d’aider les peuples d’Afghanistan est de lutter pour le retrait des forces de l’OTAN.

Hervé (AL Marseille)

 
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