Angel Bosqued (CGT espagnole) : « Les altermondialistes et les syndicalistes alternatifs pèsent de façon importante dans le mouvement antiguerre »




Nous nous sommes entretenus avec Angel Bosqued, secrétaire aux relations extérieures de la CGT espagnole (anarcho-syndicaliste), sur l’évolution du mouvement antiguerre dans son pays, un des plus puissants d’Europe, et sur l’opposition à l’alignement d’Aznar sur Bush.

Alternative Libertaire : Quelle est l’importance du mouvement antiguerre dans la société espagnole ?

Angel Bosqued : il est sûr que l’opposition à la guerre ne serait pas aussi vive si le gouvernement Aznar n’avait pas pris aussi ouvertement fait et cause pour Bush. C’est ce qui a permis d’unir des voix dissonantes contre le militarisme, contre la mondialisation et pour un temps celles de ceux qui veulent une alternance gouvernementale. Les altermondialistes et les syndicalistes alternatifs pèsent de façon importante dans le mouvement antiguerre avec un questionnement qui va au-delà du fait que ce soit une guerre pour le pétrole.
Les universitaires et les jeunes précaires pèsent aussi beaucoup dans cette mobilisation.
Enfin il y a les artistes qui en profitent pour attaquer le gouvernement, comme ce fut le cas au début de l’année lors de la remise des goyas [l’équivalent des césars du cinéma].

Existe-t-il une implication particulière des syndicalistes et plus particulièrement de la CGT pour mobiliser contre la guerre dans les entreprises et combattre la position du gouvernement Aznar ?

Angel Bosqued : Les syndicats affiliés à la Confédération européenne des syndicats (en fait les Commissions ouvrières et l’UGT proches du Parti socialiste) s’efforcent de canaliser les masses, ce qui n’empêche pas le discours critique de progresser chaque jour un peu plus. La CGT fait campagne contre la guerre à travers des tracts et des autocollants.
Mais pas plus que les autres syndicats alternatifs nous n’avons réellement organisé de campagnes d’assemblées sur les lieux de travail.

À la CGT, nous voulons créer une dynamique de grève générale, mais nous nous heurtons, en plus de la faiblesse de la prise de conscience, aux barrières légales - on ne peut convoquer de grève sans préavis de 10 jours - et économiques - décompte d’une journée de travail - qui limitent beaucoup les possibilités de succès. Il est possible d’organiser des arrêts de travail le jour de l’attaque de l’Irak, mais il n’y a pas dans les entreprises une structuration suffisamment solide permettant d’être optimiste pour aller plus loin.

Comment le mouvement antiguerre est-il concrètement organisé en Espagne ?

Angel Bosqued : Les deux principales composantes sont les mouvements sociaux et les deux partis d’opposition, le PS et Izquierda unida (ndt : Gauche unie, coalition dirigée par le PC et à laquelle participe également la section espagnole de la IVe Internationale).

Les mouvements sociaux jouent un rôle dynamique, convoquent des rassemblements, font des campagnes de sensibilisation dans les quartiers. Ils sont très actifs au niveau local et jouissent de la sympathie de la majeure partie de la population. Mais ils n’ont aucun lien avec les luttes en entreprise. C’est là que les organisations syndicales anarcho-syndicalistes et alternatives jouent un rôle important, mais difficile.

Les partis politiques diffusent les positions antiguerre de façon plus large par les médias et au Parlement. Cela a été décisif pour réussir autant de manifestations aussi nombreuses, bien que cela suppose de diluer les mots d’ordre antimilitaristes et anti-autoritaires.

Les mouvements sociaux ne se sont pas doté de plates-formes nationales, celles-ci existant au niveau local sans doute pour éviter que de telles plates-formes soient instrumentalisées par les grands partis et syndicats comme cela a déjà été le cas sur la mondialisation, contre le FMI et la Banque mondiale...

Peux-tu nous parler des actions contre les bases de l’Otan et de celles visant à empêcher le transport de matériel militaire via le Golfe ?

Angel Bosqued : Il doit y en avoir prochainement mais elles coïncident avec celles qui sont organisées chaque année.

Comment analyses-tu la crise de la représentation en Espagne ? Penses-tu que la protestation antiguerre peut déboucher sur une crise politique et qu’il soit possible de transformer la guerre impérialiste en offensive sociale anticapitaliste ?

Angel Bosqued : Nous ne voulons pas une simple démission ou un changement de gouvernement, mais une remise en cause de tout le modèle politique et social dominant. Et on ne va pas vers cela. Il est très possible que lors des élections municipales de mai 2003, ceux qui votent présenteront la facture au Parti populaire d’Aznar.
Mais les nouveaux édiles travailleront tout autant au service du capital. L’enjeu pour la gauche critique est de renforcer sa position pour imposer l’idée d’un gouvernement de coalition au PS. Les mouvements sociaux sont divisés entre ceux qui espèrent en la voie électorale et ceux qui veulent la transformation du modèle dominant.

Propos recueillis le 17 mars 2003 par Laurent Esquerre

 
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