Après les élections : le changement n’aura pas lieu




Dans la foulée de la victoire de François Hollande du 6 mai, le Parti socialiste a obtenu une majorité absolue à l’Assemblée nationale le 17 juin 2012. Trente ans après l’élection de François Mitterrand, cette « alternance » ne suscite ni liesse ni enthousiasme à part peut être du soulagement suite au départ de Nicolas Sarkozy. Il n’y aura pas d’état de grâce pour le nouveau gouvernement.

Après les élections, le contexte social français est toujours marqué par la crise économique, et de manière logique, les élections s’en sont ressenties. En termes politiques, nous pouvons dégager de ce cycle électoral trois faits marquants.

Le premier est que le PS est devenu le gestionnaire officiel de la crise et de l’austérité, reprenant le témoin à l’UMP. Sa mission est d’appliquer des mesures de guerre contre les salariés. Le PS est une bureaucratie gestionnaire du système alternative à l’UMP, et ne se distingue guère de cette dernière. Ses cadres sont issus de la même classe sociale, sont passés par les mêmes grandes écoles. Ils se caractérisent par la même soumission pour ne pas dire la même vénération béate pour les « lois du marché ». Leur seule différence notable est peut être leur rapport au Front national dont l’UMP drague les électeurs ouvertement. Pour les classes possédantes, le PS sera probablement un meilleur gestionnaire de la crise : les socialistes ont été éloignés des affaires pendant dix ans. Cela leur a permis de se faire oublier. De plus, ils disposent de bons relais au sein des principales confédérations syndicales (CFDT, CGT, FSU), ce qui leur laisse plus de marge de manœuvre pour appliquer des mesures impopulaires.

Le deuxième phénomène marquant de ce cycle électoral est l’émergence d’un pôle réformiste dans le vrai sens du terme : Le Front de Gauche (FdG).

Au cours des vingt dernières années, dans la plupart des pays européens, on a vu l’émergence de formations politiques néo-réformistes. Elles sont issues de la fusion de partis précédemment staliniens, trotskistes ou maoïstes avec l’aile gauche des anciens partis sociaux démocrates convertis au libéralisme (PS, SPD, Labour). Ces formations politiques ne sont pas en faveur d’un socialisme étatique mais d’un capitalisme amendé ou l’État jouerait le rôle de régulateur et modifierait le partage des richesses de quelques points de PIB entre capital et travail. En aucun cas l’objectif n’est de supprimer le capitalisme ni de changer les rapports de production. Les néo-réformistes s’appuient souvent sur le mythe du retour à l’Âge d’or des Trentes glorieuses. En Europe, ces partis connaissent des fortunes diverses et arrivent parfois à recueillir de bons scores électoraux que ce soit en Allemagne, au Royaume-Uni, en Grèce ou aux Pays bas.

[*Progrès des fronts*]

En France, après les tentatives infructueuses des collectifs unitaires antilibéraux (CUAL) et du NPA d’unifier la « gauche de la gauche », c’est le FdG qui tient ce rôle.

Avec la candidature Mélenchon, le FdG est parvenu à unifier cette mouvance dans les urnes. Le FdG est devenu un pôle néo-réformiste d’ampleur dont les scores électoraux sont honorables, même si l’objectif de dépasser le FN n’est pas atteint.

Pour nous, l’émergence de ce pôle n’est pas une planche de salut. En effet son projet d’amender le capitalisme n’est pour nous ni souhaitable, car nous ne voulons pas un meilleur capitalisme mais une autre société, ni réalisable, car il est peu probable que les classes dominantes se laissent faire. Au final, l’émergence du FdG semble plus propice à entretenir des illusions qu’à être force de changement.

Enfin, le troisième phénomène marquant de cette élection est la pérennité de l’influence du FN dans la vie politique française. Avec un score plus élevé qu’en 2002 à la présidentielle, et l’élection de deux députés, le FN progresse indéniablement. Son entreprise de dédiabolisation est un succès. Le FN est devenu l’élément structurant de la droite en France. En 2002, son score élevé permet la victoire de Chirac. En 2007, c’est en siphonnant les voix du FN que Nicolas Sarkozy remporte la présidentielle. En 2012, il a tenté la même opération, qui n’a pas suffi à lui assurer la victoire.
Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que l’électorat de l’UMP n’est pas dérangé par le discours quasi-FN de ses dirigeants. On se retrouve au premier tour avec environ 45 % des suffrages exprimés qui se portent vers des candidats ouvertement racistes. La stratégie du FN qui consiste à pousser l’UMP à la scission puis de s’allier avec sa frange droitière ne relève plus de l’hypothèse farfelue.
Gel du salaire
des fonctionnaires
Le progrès du Front, mais surtout de ses idées sécuritaires et racistes, est symptomatique des progrès d’un nouveau mode de contrôle social des pauvres et d’une méthode pour diviser le salariat (entre travailleurs locaux et immigrés, entre CDI et précaires). Il ne faut pas se méprendre sur sa rhétorique de justice sociale pour les « vrais Français ». Il représente un danger mortel et doit être combattu comme tel.
Comme nous l’avons déjà indiqué, le fait majeur de ces dernières années est la crise économique dont la dernière matérialisation est l’explosion de la dette. Celle-ci couplée avec l’adoption du traité européen de rigueur dit MES, va mener à la mise en place toujours croissante de mesures d’austérité qui toucheront en priorité les classes populaires. Après la Grèce, les prochains dominos sont l’Italie et l’Espagne, respectivement troisième et quatrième économie de la zone euro. De même, la France, prise entre croissance atone et obligations de réduction de déficit ne sera pas épargnée. Les socialistes trahissent déjà leurs maigres promesses comme le montre le royal coup de pouce au SMIC : +0,6 % (Le Monde du 26 juin 2012) alors que le pouvoir d’achat baisse de 1,4 % en 2012. De même, l’annonce du gel des salaires des fonctionnaires est déjà prête, toujours selon Le Monde.

Il est d’ores et déjà acquis que l’austérité nous frappera de plein fouet. Nous sommes pris entre le marteau de la rigueur budgétaire et l’enclume des menaces de dégradation de la note souveraine. Il n’y a pas d’alternative dans les termes du système. La solution est donc d’en sortir. Pour cela, une seule possibilité : une révolution qui met place une réelle démocratie directe et la mise en commun des moyens de production.

Pour y arriver, il ne suffit pas de l’affirmer de manière incantatoire. Il faut que cette perspective soit présente dans les luttes. Si les luttes partent toujours d’éléments simples quotidiens, immédiats, il faut aussi qu’elles aient une perspective. Pour nous, celle-ci n’est pas le retour à un Etat social mais bel et bien un autre système, sans exploitation : le communisme libertaire. C’est à cette condition que nous arriverons à être audibles et que nous pourrons briser la chape de plomb qui pour l’instant recouvre les perspectives révolutionnaires.

Matthijs (AL Montpellier)

 
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