Biodiversité : Extinction : les dinosaures, les abeilles et nous




La logique productiviste du capitalisme est à l’origine de l’effondrement de la biodiversité. L’enrayer nécessitera à la fois de s’inscrire dans des résistances concrètes, de s’opposer frontalement au capitalisme et d’œuvrer pour que s’épanouisse une convergence entre luttes sociales et luttes écologiques.

La destruction des milieux naturels constitue la première cause de disparition des espèces animales et végétales. Pendant trois ans, une centaine d’experts de 45 pays, sous l’égide de l’IPBES («  Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques  ») ont synthétisé les études sur la dégradation des milieux naturels (Le Monde du 26 mars 2018). La situation est alarmante : nous faisons face à un phénomène généralisé de dégradation qui touche l’ensemble des surfaces terrestres. Si moins d’un quart des étendues terrestres échappent encore aux effets substantiels de l’activité humaine, cette part tombera à 10 % en 2050  : pour l’essentiel des déserts, régions montagneuses, toundra et territoires polaires.

Les effets de destruction en chaîne des pesticides

L’expansion de l’agriculture est visée – «  notamment dans ses formes les plus intensives  », souligne Florent Kohler, qui a participé à l’élaboration du rapport. Il pointe la «  part de plus en plus insoutenable des cultures fourragères  » pour nourrir le bétail occidental. On prendra l’exemple du Brésil, de l’Argentine et du Paraguay, où la déforestation et l’utilisation massive de glyphosate largué par avion au-dessus des parcelles de soja OGM détruisent la vie des populations autochtones et des écosystèmes (Le Monde du 26 mars 2018).

Enfin il n’est pas possible de passer sous silence l’empoisonnement massif des terres agricoles par les pesticides déversés par l’agrochimie. En réponse à l’accumulation des preuves établissant un lien entre les néonicotinoïdes et le déclin des abeilles, la Commission européenne a lancé en 2012 une revue de la littérature scientifique. Publié en janvier 2013, ce document conclut que les trois produits les plus utilisés «  représentent un risque inacceptable pour les abeilles  ». Bien entendu, c’est l’ensemble des insectes en Europe qui est touché et a régressé quantitativement de près de 80 %, toute catégories confondues et par voie de conséquences les oiseaux, les poissons, les amphibiens ...

D’autres facteurs sont également en cause, comme l’exploitation forestière, l’extraction minière et pétrolière, ou encore l’urbanisation excessive et incontrôlée. De même pour le changement climatique quand l’élévation de la température rend des territoires impropre à la vie pour certains végétaux ou animaux (cf. article ci-contre «  La 6e extinction massive  »).

Que faire ?

Lutter contre l’utilisation des carburants fossiles, lutter contre les géants de l’agrochimie, lutter contre tous les Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII)… En fait, il n’y a pas de solution au dépérissement de la biodiversité sans s’attaquer au moteur du capitalisme  : la croissance.

Il est sans doute nécessaire de ne pas oublier cette réalité pour éviter de se contenter de demi-mesures incapables de nous sortir de l’ornière. En effet, qu’attendre, par exemple de Nicolas Hulot, ministre français de la transition écologique et solidaire, qui le 19 mai 2018, qui appelle «  à la mobilisation de tous, notamment des acteurs économiques, pour lutter contre l’effondrement de la biodiversité  ». Ce serait presque risible, si l’enjeu n’était pas aussi important.

Le combat est titanesque et il serait encore pire de se décourager et de ne rien faire. Si notre combat est nécessairement global au regard des enjeux, il s’incarnera dans des actions concrètes de résistance contre tous ces grands projets capitalistes. Il s’incarnera aussi dans toutes ces expériences de production et de consommation en rupture avec la mondialisation de l’agriculture et la domination de l’agriculture par les multinationales de la chimie, en développant ou en soutenant les projets de production locale, les projets d’agriculture biologique. Dans le prolongement de cette logique, changer nos propres habitudes de vie renforcera cette logique de résistance, et d’affirmation qu’une autre forme de vie est possible.

Car opposer au capitalisme une utopie transformatrice est nécessaire pour renforcer notre espoir de voir naître un autre monde. Des moments symboliques, comme les sommets intergouvernementaux sur les dérèglements climatiques ou sur l’effondrement de la biodiversité doivent être utilisés pour promouvoir la nécessaire rupture avec le capitalisme. Au final, la crise de la biodiversité à laquelle nous sommes confrontés nous oblige à aborder la question globalement et à aborder toutes nos luttes sectorielles dans ce cadre global. Trop souvent, luttes sociales et luttes écologiques se sont opposées. Trop souvent des syndicalistes s’opposent aux luttes écologiques au nom de la défense des intérêts des travailleurs et des travailleuses. En miroir, des associations écologiques ont trop souvent traité en ennemis les salarié.es des entreprises dont elle combattaient les projets.

Il faut en finir avec ces pratiques. Dans nos syndicats et nos associations de lutte, nous devons avoir un mot d’ordre transversal : convergence des luttes sociales et des luttes écologiques.

Commission écologie d’AL

 
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