CFDT-CGT : Les recentrages se suivent et ne se ressemblent pas




Face à l’évolution de la CGT, on accuse couramment celle-ci d’opérer un « recentrage » analogue à celui la CFDT après 1978. Les deux phénomènes n’ont pourtant pas grand-chose à voir. Explications.

Quand la CFDT a entamé son recentrage à son congrès de Brest en 1979, elle s’est orientée vers un « syndicalisme d’experts », dans lequel un gratin de têtes pensantes déciderait de tout pour tout le monde. Résultat : une bureaucratie ultra-autoritaire, pour qui les syndiqués et les grévistes sont des gêneurs, qui ne vit que dans (et de) la négociation avec l’Etat et le patronat, et qui n’hésite pas à signer des accords par-dessus l’épaule de ses propres sections d’entreprises.

Ce n’est pas ce à quoi on assiste aujourd’hui à la CGT. Certes des réactions sectaires peuvent exister face à celles et ceux qui contestent la ligne confédérale, mais on n’y vit pas une chasse aux sorcières anti-gauchistes comme dans la CFDT des années 1980.

Alors que la CFDT se permet de décider, seule contre tous, de ce qui est bon pour les travailleuses et les travailleurs, la CGT affirme vouloir jouer le jeu des AG. Quand le secrétaire fédéral Didier Le Reste déclare, le 21 novembre, « Je n’appelle ni à la suspension de la grève ni à la reprise du travail », on comprend illico que la CGT souhaite que la grève cesse. Et dès le 22 au matin elle pèse de tout son poids en AG pour y parvenir. Pour autant, l’arrêt du mouvement a bel et bien été décidé par les AG. C’est une différence considérable avec la méthode CFDT.

Navigation à vue

La CGT, elle, cultive en permanence l’ambiguïté. Jusqu’au 14 novembre, elle demandait une négociation globale, tout en rejetant l’alignement à 40 ans de cotisation. Et là, patatras : Thibault fait une déclaration fracassante, acceptant d’ouvrir des négociations entreprise par entreprise, se résignant donc à ne discuter que des modalités d’application du texte gouvernemental. C’est de la navigation à vue. La CGT ne souhaite pas affronter l’État et le patronat. Elle ne souhaite pas non plus se couper des salari-é-s. Elle les suivra, de façon opportuniste, au cas par cas.

Le projet CFDT est clairement celui de la soumission aux lois du capitalisme. Ce n’est pas le cas à la CGT, mais elle n’est pas non plus anticapitaliste. Depuis l’écroulement du bloc soviétique, l’appareil CGT ne croit plus à la possibilité d’une transformation sociale. C’est pourtant la confédération la plus importante en France, et on y trouve un nombre important d’hommes et de femmes qui rejettent les injustices du capitalisme.

Le vrai problème n’est pas tant que la CGT « trahit la classe ouvrière ». Le problème est surtout qu’elle subit une « crise de perspectives révolutionnaires » : l’absence d’un projet de société alternatif fait qu’elle peine à donner du sens à ses combats.

De ce point de vue, une simple dénonciation de la CGT n’apporterait rien au combat anticapitaliste, et serait au contraire un facteur d’accroissement des divisions. La première responsabilité des révolutionnaires est de crédibiliser un projet de transformation sociale ; de remettre à l’ordre du jour les débats sur la socialisation des moyens de production, sur une démocratie autogestionnaire et une égalité économique entre toutes et tous les producteurs. Au sein de la CGT, nombreux sont celles et ceux avec lesquelles de tels débats peuvent et doivent être menés.

Jacques Dubart (AL Agen)

 
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