Cadeaux : Le père Noël est une ordure patriarcale




Vaste marathon débutant bien avant la célébration de la nativité proprement dite, la période des fêtes impose son tempo et ses rituels dont l’offrande de cadeaux est un des points d’orgue. Une légère prise de conscience commence à poindre concernant les valeurs transmises aux enfants par les présents. Mais loin d’être épargnées par le phénomène, les grandes personnes sont aussi touchées.

Les cadeaux que l’on nous offre aujourd’hui sont-ils vraiment personnalisés ? Perceuse et chemise pour lui. Parfum et lingerie pour elle. Tout cela appartiendrait à une autre époque ? La réalité est malheureusement tout autre. Pour être pertinente, l’offre d’un cadeau devrait être réfléchie et personnalisée, ce qui demande du temps et une bonne connaissance de la personne. Coincés entre des exigences professionnelles et sociétales, nous disposons rarement de ces deux éléments, ce qui nous force à faire des choix précipités pour le plus grand bonheur des commerçants qui n’ont donc aucun effort à faire pour faire évoluer la situation.

[*Cadeaux pas très emballants*]

Sous une apparente débauche de choix « modernes » parmi les présents que l’on peut offrir, la normalité n’est jamais très loin. L’exemple des « beaux livres » est assez édifiant. Pour elle, les éditeurs proposeront livres de voyage et de dépaysement. Pour lui ça sera plutôt sports et techniques. Autre exemple intéressant : la nourriture (vaste sujet en période de fêtes). Aux femmes seront vendues douceurs chocolatées et autres friandises. Pour les hommes, on ira jusqu’à proposer une bouteille d’alcool (fort de préférence). Même des domaines a priori non genrés se voient doter d’attributs sexistes. Bien des constructeurs high-tech recyclent leurs entrées de gammes en habillant de couleurs « féminines » leur matériel pour cibler (comme on dit chez les marketeux) de nouvelles acheteuses. Notons au passage que jamais un constructeur n’a proposé son meilleur matériel en lui collant une robe fushia, preuve d’une distinction entre les clients et les clientes. Dernière grande trouvaille : les coffrets cadeaux qui permettent d’offrir à un tiers une prestation choisie parmi une sélection sans qu’il ait à bourse délier. Ici la distinction est un peu plus subtile mais guère plus évoluée. Les coffrets sont orientés autour des thématiques santé et bien-être (massage, soins du corps) pour les femmes et autour des sports et sensations (pilotage, sports extrêmes) pour les hommes. Pour les couples, on s’arrangera pour satisfaire les deux avec des coffrets type week-end en belles demeures comprenant spa et dégustation de spiritueux. La boucle est bouclée et chacun, chacune est renvoyé-e dans son coin. À cette uniformisation des goûts s’ajoute une certaine apathie des vendeurs et vendeuses. Leur rôle de conseil est souvent annihilé par l’urgence dans laquelle ils ou elles doivent dresser un portrait-type sur la base de quelques indications vagues. Ce faisant, leurs premières indications utilisent souvent le genre comme seul marqueur, ce qui n’aide pas à sortir des stéréotypes.

La période des fêtes organisée de manière traditionnelle comporte quelques grands moments de sexisme , des préparatifs culinaires à la décoration du sapin en passant par les sujets autorisés au repas de famille dans lequel la distribution des cadeaux n’est qu’un des moments mais qui participe à la même finalité : rappeler à chacun et chacune quel est son rôle et par conséquent ses obligations. Recevoir de la part de quelqu’un un cadeau extrêmement genré est un bon indicateur pour connaître la manière dont nos « proches » nous perçoivent. Pour autant, ne nions pas qu’il est extrêmement gratifiant de voir qu’un présent offert lors d’une fête tient toujours une place importante dans l’esprit de celui ou celle qui l’a reçu. Cet effet explique peut-être pourquoi malgré les difficultés rencontrées lors de cette période, nous y participons presque toutes et tous pour diverses raisons. Reste qu’à l’issu des fêtes, on constate bien souvent que le droit à l’égalité demeure presque systématiquement à l’extérieur des espaces privés.

Nico (PNE)

 
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