Classique de la subversion : Foucault, Histoire de la sexualité, La Volonté de savoir




Michel Foucault prend prétexte d’un discours sur la sexualité pour montrer que le pouvoir se définit moins par la répression et le droit de tuer que par un contrôle sur la vie : C’est le « biopouvoir », une des nouvelles bases de l’étude du pouvoir.

Paru en 1976, La volonté de savoir, premier tome de l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault, s’adresse avec ironie aux défenseurs de la libération sexuelle. Prenant à contre-pied ses contemporains, Michel Foucault remet en cause l’« hypothèse répressive », c’est-à-dire la répression de la sexualité à partir du XVIIe siècle par la bourgeoisie qui aurait mit fin au paradis perdu. Il émet l’hypothèse que la répression est un phénomène marginal, presque un accident du pouvoir et que ce qui est central est « la volonté de savoir ». Celle-ci se manifeste notamment par une incitation croissante à partir du XVIIe siècle, à une « mise en discours du sexe ». Le péché ne se trouvant plus dans la chair mais dans le désir, c’est l’Église d’abord qui va instaurer cette incitation au discours, à travers la pratique de l’aveu et du confessionnal. Ce phénomène se retrouve par la suite dans la littérature « scandaleuse » (par exemple, chez Sade), qui n’est pour Foucault que le reflet d’une intériorisation de l’obligation de raconter.

Viennent ensuite, au XIXe et au début du XXe siècle, la médecine et la psychanalyse, qui s’emploient à leur tour à faire dire, le divan n’étant, en somme, qu’une version sécularisée du confessionnal. C’est à cette époque que le sexe devient véritablement une affaire de « police » : « non pas répression du désordre, mais majoration ordonnée des forces collectives et individuelles. »

En fait, la sexualité n’est qu’un prétexte utilisé par Foucault pour poursuivre son étude sur le pouvoir, engagé avec Surveiller et punir, et introduire un concept qui va faire date, le biopouvoir. Dans un dernier chapitre, « Droit de mort et pouvoir sur la vie », Michel Foucault opère le même renversement avec le pouvoir qu’il a fait avec la sexualité. Il montre que le pouvoir dans la période contemporaine se caractérise par sa capacité à exercer un contrôle sur la vie. Le biopouvoir est ainsi l’articulation entre deux pôles : d’une part des « dispositifs disciplinaires » visant à discipliner les corps dans des institutions et d’autre part des « dispositifs régulateurs » qui visent à un contrôle quantitatif et qualitatif de la population. De plus, ce biopouvoir a été, selon Foucault, « indispensable au développement du capitalisme » car il a permis de discipliner les « corps dociles » des travailleurs au sein de l’usine.

La Volonté de savoir constitue ainsi une lecture indispensable pour aborder le concept de biopouvoir, un concept qui permet de comprendre un peu mieux ce qui se joue aujourd’hui dans le fichage génétique, la vidéosurveillance, et la pseudo « guerre contre le terrorisme ».

Mathieu Clergue (AL Paris-Sud)

 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, La Volonté de savoir, 1976

 
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