Dico anticapitaliste : Qu’est-ce que « la croissance » ?




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible par Jacques Dubart.

Le patronat, les politiques, les technocrates d’État ou les bureaucrates syndicaux nous le répètent régulièrement : il faut relancer « la croissance ». Mais de quoi parle-t-on ? Pour le comprendre, donnons la parole à l’Insee : « L’indicateur de production retenu par l’Insee est le produit intérieur brut (PIB). Son évolution permet d’étudier la croissance, c’est-à-dire la hausse du PIB. » La « croissance », c’est donc simplement cela : un synonyme d’une augmentation du PIB. Et le PIB n’est que « la valeur totale de la production de biens et services réalisée par les travailleurs résidant à l’intérieur du territoire national ». Cette valeur n’est en fait pas calculée pour toutes les activités. Le PIB ne prend en compte ni l’économie informelle, ni l’activité de production domestique (ménage – accompli à 85 % par les femmes –, potagers, entretien de l’habitat), ni les activités associatives. Et il mesure mal les productions non-marchandes. Ces dernières, qui sont presque exclusivement le fait des administrations publiques, représentent en France près de 25 % du PIB et ne sont évaluées qu’à leur coût de production – les salaires versés –, quand les productions marchandes sont comptabilisées au prix de vente. Du fait de cette sous-évaluation, le simple transfert d’une activité de service public au secteur marchand se traduira par une augmentation artificielle du PIB.

D’autres mécanismes rendent l’évolution du PIB sans rapport avec l’amélioration du niveau de vie. Une catastrophe naturelle (Katrina anéantissant la Nouvelle-Orléans, par exemple) peut « relancer la croissance » avec l’activité de reconstruction qu’elle va générer. Idem pour le trafic d’armes ou les industries pollutantes. D’abord avec le chiffre d’affaires des marchands d’armes, puis avec les reconstructions d’après-guerre ou les dépollutions. Bien sûr le PIB ne tient compte ni des atteintes causées à l’environnement et aux ressources naturelles, ni des inégalités dans la production et la répartition des richesses, pourtant fondamentales pour mesurer le niveau et la qualité de la vie.

Au bout du compte, le PIB ne s’intéresse qu’à ce qui crée des profits pour les capitalistes. Au nom de la sacro-sainte « croissance », tous les sacrifices sont imposés aux travailleuses et aux travailleurs, tous les dégâts imposés à la planète sont tolérés. « La croissance d’aujourd’hui sera les emplois de demain », nous répète-t-on systématiquement... même si les faits ont régulièrement démenti cette propagande. Contre la mystification de la « croissance », il faut défendre d’autres objectifs : la satisfaction des besoins de toutes et tous les habitants et la sauvegarde de la planète. Là-dessus la « croissance » est muette, mais ce sont les seuls objectifs qui valent qu’on se batte pour eux !

 
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