Documentaire : L’Assemblée




Un an plus tard, comment parler de Nuit debout  ? Le 18 octobre dans les salles de cinéma est sorti L’Assemblée, un documentaire de Mariana Otero qui entend témoigner de ce qu’a été Nuit debout dans la capitale. Le film, chronologique, commence avec les premières grandes occupations de la place de la République et s’achève avec la lente extinction du mouvement, trois mois plus tard, et il essaie de capter toute la diversité de ce que cette expérience a pu être.

Sa première force est de faire sauter toutes les réductions trop évidentes du mouvement, car comme le disent les participants et participantes filmé.es, Nuit debout c’est tantôt les gens qui sont là ce soir pour voter, tantôt le front d’une manif sauvage, pour certains un processus constituant et citoyen, pour d’autres une unité insaisissable, ou alors aussi un outil, voire un état d’esprit.

Ce que le documentaire donne à voir, c’est en fait surtout un ensemble de contradictions, et il est en cela remarquable : contradiction entre l’enthousiasme pour changer substantiellement les rapports sociaux et le formalisme d’une bonne part des débats, délibérations infinies sur les modes mêmes de délibération ; contradiction entre l’aspiration au travail collectif dans la paix et l’amitié et la violence de la répression policière ; contradiction enfin entre l’universalité de l’inclusion revendiquée – laisser la parole à tout le monde, surtout à celles et à ceux à qui on ne la donne jamais – et la particularité de la position sociale de la majorité des nuit-deboutistes (particularité exagérée, sans doute involontairement, par l’affiche du film, où n’apparaissent que des Blancs).

Dans les commissions, dans les débats, ces contradictions sont partout visibles, et parfois même réfléchies et explicitées. L’autre force du travail de Mariana Otero et de son équipe, c’est de dire aussi beaucoup de choses par le hors-cadre.

On débat beaucoup dans Nuit debout à Paris, et c’est vers cela que se tourne la caméra, laissant entrapercevoir entre deux assemblées une manifestation sous les gaz, l’arbitraire policier et quelques coups de matraque, les grévistes aussi, dont on parle à plusieurs reprises mais qu’on ne voit que rarement, comme si tout cela se tenait à la marge. Sans être tout à fait une bulle, Nuit debout s’est déroulé à côté [1]. Par ce qu’il montre directement autant que par les vides qu’il laisse, le film restitue avec une certaine fidélité ce qui était au cœur du mouvement.

Marco (AL 92)

  • Marianne Otero, L’Assemblée, 99 minutes.

[1On pourra regarder avec profit le documentaire de Medialien sur Nuit debout, qui a fait le choix inverse de se concentrer sur les marges du phénomène.

 
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