Droit du travail : la « mère des réformes » pour les patrons




Il y a quelques mois, François Fillon, le ministre du MEDEF, se plaisait à utiliser la métaphore appréciée par Saddam Hussein, en parlant de la réforme du dialogue social, l’appelant la « mère des réformes ».

Sablé (base arrière de François Fillon dans la Sarthe), n’est certes pas Tikrit en Irak, mais il a d’une certaine manière raison d’insister sur l’importance du projet qu’il va soumettre à l’Assemblée dès décembre.

Le projet de loi soumis au conseil des ministres du 19 novembre relatif à la formation tout au long de la vie professionnelle et au dialogue social, est un projet de contre-révolution sociale. On a, dans ces colonnes, déjà parlé de l’accord national interprofessionnel sur la formation du 20 septembre 2003 (AL n° 123). Le projet de loi reprend le texte de l’accord en l’aggravant.

Ainsi, si la philosophie générale vise à rendre le/la salarié(e) responsable de sa formation et de son adaptabilité aux choix du patron, le texte gouvernemental fixe le principe du déroulement hors temps de travail du droit individuel à la formation (DIF). L’accord précisait que les accords de branche ou d’entreprise pouvaient prévoir le déroulement sur le temps personnel du/de la salarié(e).

S’agissant du dialogue social, le projet de loi porte en réalité sur deux aspects :
 la question des accords majoritaires,
 la destruction du principe de faveur, l’une des clés de voûte du droit du travail,

Fillon a qualifié sur France 3 dimanche 16 novembre 2003, son projet, de « vraie révolution » et « l’entreprise pourra être un lieu de démocratie ». C’est effectivement une « révolution » saluée le 18 novembre par le baron Seillière lors de son point de presse, mais c’est surtout une contre-révolution où le patronat obtient satisfaction sur toute la ligne.

Première chose, le projet de loi introduit une modification essentielle de toute l’architecture du droit social français basé sur le principe dit de faveur. Ce principe signifie que c’est le texte le plus favorable aux salarié(e)s qui doit s’appliquer et qu’un accord ne peut y déroger. Pour aller vite, et à titre d’exemple, l’accord d’entreprise ne peut être moins favorable que la convention collective, etc.

Les socialistes avaient commencé les premiers à détricoter le Code du travail sur ce point dès 1982 en introduisant dans la loi, la possibilité d’accords dérogatoires. On se souvient des ravages de cette mesure en matière de durée du temps de travail.

Fillon et le Medef généralisent le principe en faisant des accords dérogatoires, la nouvelle norme.

C’est ainsi qu’au niveau des entreprises, là où le rapport de force est souvent très défavorable aux travailleur(se)s, les patrons pourront imposer des accords d’entreprise moins favorables que les dispositions des conventions de branche, etc. C’est l’éclatement général du salariat, garanti. C’est la fin de normes minimales au niveau de la branche pouvant couvrir les entreprises pourvues de syndicats et celles sans représentation syndicale.

Machine de guerre patronale

Deuxième élément important, pour faire passer son projet, Fillon met en avant la réforme des conditions de signature des accords.

Car, évidemment, comme il s’agit de réduire et casser des droits collectifs, la question de la légitimité des signataires syndicaux est importante.

Se cachant derrière ce qui n’était qu’un relevé de discussion de juillet 2001, dans le cadre d’un des chantiers de la « refondation sociale » du Medef, sur les voies et moyens de la négociation collective, Fillon introduit non pas, une réforme de la représentativité syndicale, ou encore même la notion d’accords majoritaires, mais un nouveau dispositif d’opposition.

Il n’y a ni élections libres pour les syndicats légalement constitués, ni abrogation de la liste des cinq organisations choisies par le pouvoir politique pour être représentatif a priori (arrêté du 31 mars 1966).

La notion d’accord majoritaire est une fumisterie où ce sont ceux et celles qui ne sont pas d’accord avec la signature qui devront être majoritaires et non pas ceux et celles qui veulent signer.

Au niveau de la branche la majorité se conjugue en nombre d’organisations et au niveau de l’entreprise en nombre de voix aux élections des comités d’établissement ou des délégué(e)s du personnel.

Ce droit négatif, d’opposition s’avère ainsi d’emblée très difficile à mettre en œuvre.

Mais ce n’est pas tout, dans les entreprises dépourvues de délégué(e)s syndicaux, les accords, forcément dérogatoires, pourront être signés avec les comités d’établissement, les délégué(e)s du personnel ou encore des salarié(e)s mandaté(e)s par une organisation syndicale (sans ratification par vote du personnel comme dans la loi Aubry II).

On peut faire confiance aux patrons pour susciter des listes d’élu(e)s à leur botte.

Pour conclure, ce projet de loi est une formidable machine de renforcement du pouvoir patronal et une véritable contre-révolution pour les droits des travailleur(se)s.

L’unité la plus large, dans un cadre offensif de lutte, est vraiment nécessaire pour arrêter tout cela.

Thierry Aureliano (AL Transcom)

 
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