Edito : Colonisation Les enjeux d’un débat




Décidément, on n’a pas fini de parler des retombées des émeutes de banlieue de novembre 2005. Bien sûr peu de monde se soucie du sort de celles et ceux que visent les discriminations au quotidien. Pour le gouvernement la cause est entendue. Il faut plus d’esclaves pour le patronat dès l’âge de 14 ans, des flics et des juges dans les établissements scolaires, des contrôles d’identité renforcés et des cacahuètes pour les associations. La gauche se prépare pour l’alternance en 2007.

Bref, pour les jeunes, pour les travailleur(se)s et les chômeur(se)s, il est illusoire de pouvoir attendre quoi que ce soit de celles et ceux qui prétendent nous représenter.

Prendre ses affaires en main ? Oui bien sûr, mais l’idée ne sonne pas comme une évidence pour celles et ceux qui se heurtent constamment à des murs, qui ont une image profondément dévalorisée d’eux/elles-mêmes et pour lesquel(le)s action collective rime au mieux avec une utopie hors de portée au pire avec “ la ” politique jugée discréditée et inopérante.

Est-ce à dire que la seule planche de salut réside dans une explosion de violence destructrice pour les habitant(e)s des quartiers populaires qui serve de prétexte au renforcement d’un pouvoir de plus en plus autoritaire ? Ce n’est pas si sûr.

Un des effets positifs des émeutes de novembre de 2005 aura été d’ouvrir, enfin, le débat sur la colonisation française. Loin de se limiter à une joute entre politiciens revanchards, gauche parlementaire et historien(ne)s, cette question témoigne de la prise de conscience d’une génération invitée à se pencher sur sa mémoire pour mieux se l’approprier sans entrer dans le piège de la concurrence entre les mémoires.

La loi du 23 février 2005 et plus particulièrement son article 4 qui célèbre les vertus prétendument positives de la colonisation et dont il faut obtenir l’abrogation sont sans doute en train de servir de catalyseur.
À travers ce retour critique sur la colonisation, on l’aura compris, il ne s’agit pas d’obtenir seulement de la République la reconnaissance d’une partie de ses crimes pour solde de tout compte, comme cela s’est produit, il y a dix ans, lorsque Chirac reconnaissait enfin la pleine responsabilité du gouvernement français dans la déportation des juifs.

Ce débat renvoie également à d’autres enjeux, qui touchent aux valeurs et au projet de société, et qui relèvent donc de choix politiques. Et ce n’est pas en ressassant à l’infini une devise en trompe-l’œil (liberté, égalité, fraternité) porteuse de fausses promesses ou en brandissant le droit de vote comme ultime recours et seul moyen efficace pour être entendu qu’il sera possible de remobiliser autour d’un projet émancipateur.

En 1789, l’insurrection émancipatrice dirigée contre la tyrannie est venue du centre (Paris), aujourd’hui la contestation vient de ses marges (banlieues) et de ses dépendances (DOM). Elle n’aboutira à rien tant qu’elle ne dépassera pas la fragmentation actuelle qui renvoie chacun(e) à son entreprise, sa corporation, son quartier, sa cité, sa région, son île et finalement à son impuissance.

Alternative libertaire, le 21 décembre 2005

 
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