Elections régionales : la droite entre Medef et FN.




Poursuivant sur sa lancée, la droite continue à gouverner par chantage, se posant comme principal rempart contre le fascisme et un obscurantisme religieux qu’elle attise sans cesse par ailleurs à nos risques et périls.

Le voile à l’école. Tout le monde ne parle que de cela. C’était le but recherché par la droite afin d’écarter tout débat sur le bilan social désastreux de sa politique gouvernementale.

Et le piège a parfaitement fonctionné. La diversion joue à plein, droite et Medef imposent tous leurs projets en divisant celles et ceux qui vont en faire les frais. La droite aidée en cela par le Parti socialiste se paye même le luxe de mettre dans sa poche une partie des enseignant(e)s qui l’ont combattue par deux à trois mois de grève sur la décentralisation et les retraites. Intoxiqué(e)s par la pollution médiatique qu’a connue cette affaire de signes religieux ostensibles à l’école, beaucoup ne veulent pas voir que cette loi sur le voile est exigée par les pires adversaires de la laïcité qui n’ont jamais rien fait pour prendre la défense de jeunes filles opprimées et aliénées par la religion et la tradition. Des fossoyeurs de la laïcité qui ne sont descendus dans la rue à ce jour que pour obtenir des moyens supplémentaires pour l’école privée et confessionnelle et qui s’apprêtent à étrangler l’école publique en confiant les clefs de la maison au Medef. Mais le piège pourrait se refermer sur les promoteurs de cette opération à grand risque.

En effet, la surmédiatisation de cette affaire et de la manifestation parisienne pour le voile du 17 janvier profitera pour l’essentiel au Front national puisque les peurs qu’il instrumentalise et attise seront pour beaucoup symbolisées par ces milliers de jeunes femmes voilées encadrées par les militants de l’islamisme radical. Et, entre le FN, la droite et les islamistes : le néant, le désastre. Les défenseur(se)s de la laïcité étant incapables de se compter, de s’exprimer et de constituer un point de ralliement.

Les médias et une partie de la classe politique parlent depuis quelques temps de la multiplication possible de « 21 avril » à l’occasion des élections régionales. Le FN est activé aussi bien par l’UMP que par le PS comme un épouvantail pour combattre la dispersion des voix.

Du voile au FN

Ce qui menace pourrait pourtant être bien plus grave qu’un « 21 avril », car dans plusieurs régions le FN peut non seulement arriver en tête au premier tour, mais aussi l’emporter au second [1]. Là où il l’emporterait, il garderait le pouvoir pour au moins six ans, un pouvoir renforcé (décentralisation) qui entraînerait un accroissement considérable de son influence dans les établissements scolaires publics comme privés, la passation de marchés publics, la politique de subvention des associations et des syndicats, les liens avec les entreprises et plus généralement le tissu économique et social. À ce propos, le Medef, qui s’était prononcé contre le programme du FN et pour Chirac entre les deux tours de l’élection présidentielle, a fait élire en Seine-Saint-Denis Jean-Michel Dubois (un des principaux dirigeants du FN) à la tête de la chambre de commerce et d’industrie. Un avant-goût de ce qui se passera dans les régions si le FN poursuit son ascension, mais aussi un avertissement, que la droite brandit du reste comme un épouvantail depuis deux ans : soit vous continuez à nous remplir les poches, soit nous opterons pour des solutions plus radicales avec le FN… Chaque région conquise constituera une marche de plus vers la prise du pouvoir qui reste l’objectif du FN. Actuellement les sondages, qui sous-évaluent toujours le score du FN, le donnent à 17 % (contre 15 % en 1998). Son électorat est de plus en plus stable et cette stabilisation se fait à un niveau élevé. La mobilisation antifasciste dans la rue est déterminante pour peser sur le score du FN, elle peut permettre de faire pencher les hésitant(e)s dans un autre sens. En 2002, le score du FN a déclenché des mobilisations de rue antifascistes et antiracistes impressionnantes, elle a provoqué de très nombreuses discussions politiques et a accentué la pression sur celles et ceux qui pouvaient être tenté(e)s de voter FN sans pour autant partager toutes ses idées et tout son programme : les électeurs(trices) travaillé(e)s par le ressentiment et qui pensent à tort que Le Pen peut foutre en l’air le système d’oppression sociale dont ils/elles sont entre autres les victimes. Ce sont ceux/celles-là qu’il faut convaincre de ne pas voter pour le multimillionnaire Le Pen, dont le programme fiscal et social vise à avantager d’abord les classes possédantes. On se rappelle aussi que cette mobilisation a été éphémère (15 jours) et que, faute d’avoir eu pour objectif de combattre une politique capitaliste sur laquelle l’extrême droite prospère, elle a laissé un boulevard à Chirac pour mener à bien sa politique de contre-réformes libérales. Une leçon qu’il serait utile de retenir en prévision de la catastrophe annoncée.

Laurent Esquerre

[1Le 21 avril, le FN est arrivé en tête dans 9 régions sur 22.

 
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