Facs : Nous ne serons jamais de la chair à patrons !




Ces dernières semaines, les étudiant(e)s se sont mis en grève contre la privatisation larvée de l’enseignement supérieur et contre la précarisation sans cesse grandissante des conditions d’études. Ce mouvement de lutte, le plus important au niveau étudiant depuis 1998, souligne également l’ampleur de la riposte à construire pour les mois qui viennent. Retour sur les acquis et limites d’un combat qui s’annonce de longue haleine.

Les perspectives les plus noires que l’on pouvait imaginer en 1998 sur ce qui n’était encore que le rapport Attali concernant l’enseignement supérieur prennent corps aujourd’hui à travers la contre-réforme LMD/ECTS (Licence/master/doc-torat/European Credit Transfert) et le projet d’autonomie/modernisation des universités. Ces réformes, derrière l’enrobage démagogique de mobilité européenne, sont le cheval de Troie du patronat dans les universités. Les diplômes ne seront plus des formations générales débouchant sur des droits collectifs dans le monde du travail (les conventions collectives), mais des parcours individualisés et spécialisés avec une place grandissante pour les stages en entreprise, stages non payés et sans aucun contenu pédagogique. C’est-à-dire que les étudiant(e)s, sous prétexte d’être en prise directe avec le « marché de l’emploi », deviennent en réalité une manne pour le patronat qui bénéficie ainsi d’une main-d’œuvre gratuite et de plus formatée, car face à un désengagement financier de l’État, ce sont les intérêts privés qui se retrouvent en première ligne pour financer ces « formations ». La logique est implacable, soutenue par les différents gouvernements depuis plusieurs années (ministères Allègre, Lang et Ferry).

En grève contre la privatisation et la précarité

L’an passé, que ce soit à travers la lutte des surveillant(e)s et emplois-jeunes ou les grèves des facs de Toulouse et de Brest, la riposte a commencé face à la précarisation de la jeunesse. Face aux échecs de ces luttes, il semblait peut-être difficile de recommencer cette année. Le 5 novembre, cependant, la grève était votée à l’université Rennes II, suite au travail de mobilisation des syndicats étudiants (CNT, Sud, Unef). Le blocage des cours comme moyen d’action était adopté par une AG de 3 000 étudiant(e)s et la grève s’est organisée sur des bases de démocratie directe (Assemblée générales souveraines, comité de grève et commissions). Dix jours plus tard, plusieurs autres facs se mettaient en grève, avec des blocages réalisés quand cela était possible. La coordination nationale du 29 novembre (réunissant plus de 50 facs en lutte à Rennes II) a établie une plate-forme réclamant l’abrogation des contre-réformes libérales, la lutte contre la précarité étudiante et la convergence avec les autres secteurs en lutte. Après ce rapide tableau des événements, quelles leçons et perspectives pour les prochains mois qui devront à nouveau être placés sous le signe des luttes ?

Autogérons et unifions nos luttes !

Dès le départ, l’auto-organisation de la lutte et de la grève fut fondamentale car elle permettait aux grévistes d’être les seul(e)s à décider du contenu des revendications et surtout de prévenir d’éventuelles négociations entre le ministère et certaines organisations étudiantes (l’Unef pour ne pas la citer). De plus, elle permettait d’impliquer directement les étudiant(e)s dans le mouvement, avec une dimension pédagogique essentielle : comment organiser la fac occupée, comment débattre ensemble, comment agir collectivement lors d’actions ? Si cela fut possible, c’est en partie grâce au travail des militant(e)s révolutionnaires impliqué(e)s dans le mouvement.

Si l’unité syndicale a prévalu au départ pour favoriser la mobilisation, on a rapidement constaté des divergences de fond quant au sens à donner au mouvement. L’Unef, qui s’oppose aux contre-réformes depuis que ses « ministres de tutelle » (socialistes) sont passés dans l’opposition gouvernementale, souhaitait cantonner le champ revendicatif uniquement à un cadrage national des diplômes, éludant le contenu même des contre-réformes. Face à cette logique du « on s’accroche à une miette pour pouvoir la négocier », les autres syndicats étudiants et la plupart des grévistes exigeaient l’abrogation pure et simple des contre-réformes, soulignant que derrière elles, ce sont les étudiant(e)s précaires qui vont à court terme ne plus pouvoir accéder à l’université, et que ceux qui y parviendront subiront les volontés des patrons locaux quant à leur avenir.

A travers ces contre-réformes, c’est une partie du projet de société du Medef qui s’applique, avec en écho la formation continue qui contraindra les salarié(e)s à se former sans cesse, car des formations jetables correspondront à des emplois jetables. Unifier le combat des étudiant(e)s avec ceux que mènent les chômeur(se)s, les intermittent(e)s, les salarié(e)s est essentiel face à un patronat et un gouvernement aussi déterminés et organisés. Ainsi, la forte répression qui touche de nombreux grévistes (intimidation, garde à vue...) est éloquente à cet égard. Nous devons absolument ne pas laisser retomber la pression, ne pas perdre les acquis des grèves étudiantes, c’est-à-dire l’envie donnée à des milliers de jeunes précaires ou en voie de l’être d’en découdre avec le Medef, de s’auto-organiser avec les autres précaires, d’imposer d’autres choix de société.

Géronimo (AL Rennes)

 
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