France Telecom : Face au déni, l’offensive




Les pratiques managériales de France Telecom-Orange ont entraîné 24 tentatives de suicide et ému l’opinion publique, mais laissé de marbre ses dirigeants. Il est temps d’arrêter la spirale infernale.

Il y a deux mois, dans ces mêmes colonnes, nous décrivions le mode de gestion de FT-Orange et combien il était emblématique des pratiques odieuses, mortifères, devenues la norme dans l’économie de services. Nous expliquions qu’elles avaient coûté non seulement les 24 morts de 2009, mais 29 en 2006 et 25 en 2002. C’est donc avec un désarroi
profond que nous prenons la mesure de la brutale efficacité de ce management. Car depuis deux mois, qu’ont fait nos gestionnaires ? Rien.

Et parmi les salarié-e-s ? Mis à part un abattement encore plus douloureux, qu’a-t-il été exigé comme réponses concrètes de la part du patronat ?

Faut-il s’étonner alors si le 16 novembre, une vingt-cinquième salarié s’est jettee d’un pont devant tous ses collègues ?

Un plan longuement préparé

L’apathie des salariés de FT-Orange est le résultat d’une longue préparation des esprits qui débute avec les premières manœuvres de Paul Quilès pour privatiser France Telecom.

De 1989 à ce jour, dont deux gouvernements « socialistes », on aura séparé Poste et Télécoms, privatisé – pardon, « ouvert le capital » – et consommé le passage au libéralisme dur : délocalisations, externalisations extrêmes, rationalisations, report de l’activité de la production vers la vente.

On aura préparé France Telecom qui reversait 10 milliards à l’Etat chaque année, de championne technologique est devenue championne de l’endettement et du mal-être en entreprise.

Les salariés d’hier, techniciens compétents, expérimentés, autonomes, en contact avec la société, ont été conduits, par la cajolerie et la menace, à travailler en batterie, isolés sous un casque, à réciter un « script », sous les ordres de petits chefs inexpérimentés.

Lire la description du processus dans le récent Orange Stressé d’Ivan du Roy [1], l’analyse valant pour tout les secteur du service public).
ko debout

C’est donc un plan à long terme qui a mis les salariés KO debout. Et lorsque Laurent Zylberberg, directeur des relations sociales, le disputant en cynisme au PDG Didier Lombard déclare qu’il n’y aurait que quatre suicides « liés à France Telecom » [2], les salariés continuent de ne pas bouger.

Les syndicats ont du mal à suivre, il faut l’admettre. Ce processus a émoussé notre capacité à recréer un rapport de force. Et au lendemain du 24e suicide, en octobre, la Direction Générale a bougé. Malgré le battage médiatique, en dépit de ses funestes déclarations, elle reprend bel et bien la main.

Pour enliser le débat et conserver son élan, elle divise les négociations en cinq parties – organisation du travail ; conditions de travail ; équilibre vie privée-vie professionnelle ; représentation du personnel ; règles de mobilité – et évite le fond. Les contenus, l’échéancier, sont drivés par la direction, dans le déni le plus total des préambules syndicaux – embauche, gel total des mobilités forcées, des délocalisations.

Et, nouveau déni, nouveau mépris, les restructurations prévues reprendront en janvier, vient d’annoncer Stéphane Richard, l’ancien DG de Veolia Transport (la SNCM…) nommé par Sarkozy au poste de n° 2 au moment de la vague de suicides.

Indécence de la situation

Nous ne pouvons plus emboîter le pas à la direction où et quand elle le décide. Il faut redonner aux salariés l’envie de la revendication. Et celles que nous portons sont structurantes, fortes. Ensuite, il faut reprendre la main, sur le terrain : en initiant les propositions, en cessant d’aller dans le sens du consensus. En rompant avec l’idée que le simple respect du code du travail par le patronat forme une avancée spectaculaire !

Rappelons à l’entreprise la violence, l’indécence de la situation actuelle, et que si les salariés de France Telecom vont très mal, Orange en revanche, va très bien.

Derrière chaque suicide, des centaines de personnes en souffrance. La stratégie doit être : l’offensive. Et le moment de l’appliquer : maintenant.

Freddy (militant Sud- Telecom)

[1Orange Stressé, Le management par le stress chez France Telecom, Ivan du Roy, La Découverte 2009. Le livre est la synthèse des travaux menés par l’Observatoire du Stress et des Mobilités Forcées de FT-Orange

[2Metro du 1er novembre 2009

 
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