Goodyear, PSA, Renault … Au pied du mur : les ouvriers ne cèderont pas




L’industrie automobile va-t-elle finir comme l’industrie sidérurgique : liquidée et délocalisée ? Dans les boîtes, les travailleurs et les organisations syndicales sont au pied du mur. Toute la question est de savoir comment initier une dynamique de lutte pour défendre efficacement les salarié-e-s du secteur et les travailleuses et les travailleurs en général.

L’industrie de l’automobile en France comptait, en 2007, environ 2,5 millions d’emplois, soit un emploi sur dix. Environ 700 000 salarié-e-s travaillent directement dans les activités de production (usines d’assemblage, équipementiers), les autres dépendent du secteur des services. Les ouvriers et ouvrières de ce secteur vont-ils connaitre le même sort que les sidérurgistes lorrains à la fin des années 1970, quand patronat et gouvernement décidèrent de liquider et de délocaliser l’appareil de production, plongeant dans la misère des régions entières du nord et de l’est de la France ? Depuis les années 1980, la filière est soumise, comme toutes les industries manufacturières, à une concurrence exacerbée entre les multinationales. Cela se traduit par des licenciements massifs, une intensification du travail et une précarisation accrue des ouvriers et ouvrières. Invisibles, dépossédés de leur travail, abandonnés politiquement et syndicalement de manière générale, les ouvriers et ouvrières de ce secteur continuent pourtant de résister et de lutter. Les organisations syndicales et les révolutionnaires gagneraient d’ailleurs à coordonner et amplifier leurs interventions et expressions, tant ce secteur concentre à lui seul tout ce que nous combattons : l’exploitation et l’oppression capitalistes, à un niveau national comme international.

[*La solution : baisser les cadences*]

La concurrence mondiale entre les entreprises du secteur automobile est de plus en plus féroce. La crise économique débutée en 2008 va sans doute aboutir à une réorganisation du paysage industriel mondial, avec l’absorption des entreprises dégageant le moins de profits par celles en dégageant le plus. C’est en baissant le revenu des travailleurs et des travailleuses que les patrons comptent augmenter leur taux de profit. Pour cela, plusieurs possibilités : baisser les salaires directs et indirects (retraites, aides sociales, assurance chômage, etc.), délocaliser, augmenter le temps de travail, intensifier et concentrer la production. C’est cette dernière option qui semble être retenue par la direction de PSA dans le cas de l’usine d’Aulnay-sous-Bois (93), puisqu’il ne s’agit pas a priori de la délocaliser, mais de regrouper toute la production francilienne à Poissy sans embaucher en conséquence – voire en débauchant au passage. Rappelons au passage que si le groupe PSA a subi de plein fouet la crise économique, il a largement bénéficié des aides de l’État et a recommencé à engranger des bénéfices en 2010. Le projet, tenu secret par la direction de PSA et dévoilé par la CGT d’Aulnay-sous-Bois en juin 2011, fut confirmé en Comité central d’entreprise en septembre dernier : « […] pour Aulnay, […] M. Varin […] a reconnu, au cours de sa conférence de presse à Francfort, qu’il y a une réflexion sur la question de la fermeture et que la fuite nous a obligé à en parler avant le moment choisi. Pour la CGT il n’est pas question que les salariés fassent les frais de cette politique et qu’après s’être attaquée aux précaires, la direction s’attaque aux CDI. Face à une possible baisse des ventes, il existe une solution simple : baisser la production en baissant les cadences tout en partageant le travail entre tous les salariés sans toucher aux salaires. Pour la CGT, les 11 milliards de liquidités et les 200 millions d’achats d’actions seraient mieux utilisés à maintenir les emplois et les salaires plutôt que d’être placés en bourse. » [1] Au moins, c’est clair…

[*Pas de conciliation avec le capital*]

Ces projets de restructurations pourraient donc être les premiers d’une longue série. La crise économique entraine une profonde réorganisation de l’industrie. Elle est une occasion pour les capitalistes de se débarrasser de milliers de travailleuses et travailleurs qui les gênent dans leur recherche de profits. D’où la nécessité pour toutes les organisations syndicales de se préparer à une longue bataille pour le maintien de l’emploi. Les fédérations syndicales de la métallurgie et de la chimie devront assumer leurs responsabilités : coordonner et impulser la lutte au niveau local, national et international dans un cadre où les structures interprofessionnelles (unions locales, unions départementales et confédérations) auront un rôle d’amplification des luttes et de solidarité financière à l’égard des militants et militantes syndicalistes qui refusent de se mettre à genoux. Le 20 septembre dernier, la CGT Goodyear déclarait : « la CGT Goodyear réitère sa demande d’une action coordonnée de toutes les industries et de tous les salariés de notre pays, nous devons aussi réunir les demandeurs d’emploi, les retraités, bref tous ceux qui aujourd’hui en ont plus que ras le bol de cette opulence financière qui écrase un monde du travail appelé à disparaître sans réactions massives. Les femmes et les hommes qui se lancent dans un futur combat politique doivent tenir compte de cette situation, les salariés de Goodyear et de bien d’autres endroits d’ailleurs n’ont que faire des querelles internes à certains partis ou encore même des débats autour d’une dette dont le monde du travail n’est en rien strictement responsable mais victime, il ne faudra pas nous faire des promesses mais il faudra cette fois-ci les tenir, depuis cinq ans les agressions contre le monde du travail ont été terribles et nous exigeons d’être traités comme des humains et non pas de vulgaires cartes bleues ou autres cartes types électoralistes. » [2] Oui, nous avons besoin d’une coordination des luttes de tous les travailleurs, à partir de ce qu’ils et elles expriment. Les grandes envolées lyriques sur le « développement humain durable » et « une autre politique industrielle » pondus par les secteurs droitiers de la direction confédérale de la CGT ne fournissent aucune piste crédible pour la lutte au quotidien des ouvriers et ouvrières contre l’arbitraire patronal et actionnarial.

[*Fédérer les luttes locales*]

Il y a deux ans, c’étaient les ouvriers de la SBFM [3] de Caudan, à Lorient, qui donnaient le ton et remportaient une victoire temporaire (voir en bas de la page 4). Aujourd’hui, les ouvrières et ouvriers de Goodyear d’Amiens-Nord, au travers de leurs luttes, représentent un symbole politique fort : quatre ans qu’ils et elles résistent au leader mondial des pneumatiques, quatre ans pendant lesquels tous les plans de la direction furent mis en échec. Quatre années durant lesquelles le syndicat CGT de l’entreprise s’est progressivement renforcé et a acquis toute la confiance des salarié-e-s autour de ces seuls objectifs : zéro licenciement, zéro fermeture, dignité et justice pour tous les ouvriers. Ce combat, ils entendent le mener jusqu’au bout. Leur lutte doit devenir nationale, tant elle représente les voies d’une remobilisation du monde du travail, celui que capitalistes et gouvernements veulent mettre définitivement à genoux en cassant les valeurs de solidarité, de dignité et de justice. Le 11 octobre prochain (voir article page 7), la CGT Goodyear appelle toutes et tous les salariés d’Amiens à se rassembler devant l’usine [4], dans l’optique de fédérer toutes les luttes locales et d’enraciner la mobilisation dans les entreprises et la rue. C’est une voie que nous ne pouvons que soutenir, car c’est la voix de la lutte, pour l’unité de tous les travailleurs et des travailleuses.

Rémi Ermon (AL Lorient)

[1Déclaration de la CGT PSA du 13 septembre 2011 disponible dans son intégralité sur le site de la CGT métallurgie : www.ftm.cgt.fr

[2etrouvez l’intégralité de la déclaration sur le site de CGT Goodyear : www.cgt-goodyear-nord.fr

[3Voir les articles dans Alternative libertaire 181 et 187, disponible en ligne sur notre site : http://www.alternativelibertaire.org/

[4Voir les déclarations de la CGT Goodyear Amiens Nord sur le blog Communistes libertaires de la CGT : http://communisteslibertairescgt.over-blog.net

 
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