Grèce : Les marchés financiers attaquent le pays




Depuis début décembre, la Grèce est l’objet d’une attaque spéculative. La faute aux marchés financiers ? Non, répondent en chœur les dirigeants des pays européens : la faute à la Grèce ! Désintox.

Si le déficit public de la Grèce est impressionnant (12,7 % du PIB), personne ne se demande sérieusement pourquoi. La réponse consiste généralement à stigmatiser l’immoralité des Grecs qui ne paient pas leurs impôts et de leur gouvernement qui dépense trop. Pourtant, c’est bien plutôt la crise économique qui secoue le monde depuis un an et demi qui a occasionné le creusement des déficits publics de la Grèce, mais aussi de la plupart des autres pays.

Or, ce qui a précipité cette attaque spéculative, c’est le cynisme des acteurs de la finance. Le facteur déclenchant de la dégringolade, c’est le verdict d’agences de notation comme Standard & Poor’s et Fitch, chargées de noter des actifs financiers pour en établir la fiabilité. La baisse de la note de la dette à long terme de l’État grec, en insinuant que le pays risque de se retrouver en cessation de paiement, a créé la fuite des investisseurs. Que cette baisse soit dénuée de fondement, comme s’accordent à le dire les commentateurs, cela n’est que plus piquant si l’on se souvient que ce sont ces mêmes agences qui, en refusant de voir la dangerosité des subprimes, ont précipité la crise mondiale actuelle.

À qui profite la crise ?

La conséquence de cela, c’est une augmentation des taux d’intérêt que l’État grec doit verser en plus du remboursement de sa dette, source d’un nouveau creusement du déficit : on voit là le caractère absurde de la finance de marché, toujours prête à enfoncer plus bas ceux qui se retrouvent au sol. En revanche, les banques et hedge funds à l’œuvre dans cette attaque spéculative recueillent les fruits de leur acharnement, en engrangeant ces intérêts supplémentaires tout en spéculant sur l’euro.

La cause semble donc entendue : des institutions financières responsables de la crise économique mondiale et du creusement de la dette coordonnent leurs efforts pour attaquer un petit pays qu’elles ont largement contribué à plonger dans le chaos, afin d’engranger le maximum de profits. Les États européens ont-ils alors dénoncé l’opération pour soutenir la Grèce ?

Non, bien entendu ! Si les institutions financières sont vaguement montrées du doigt, c’est bien la Grèce qui va devoir passer à la caisse. Ainsi, les pays de l’Union européenne conditionnent leur soutien financier à un redressement des comptes publics dont les modalités, quoique non encore définies, risquent bien de rappeler les meilleures heures du FMI et des plans d’ajustement structurels avec leurs cortèges de coupes budgétaires drastiques (4% par an, voire plus) et donc de massacre des services publics, assorties d’une hausse de la TVA (impôt d’autant plus lourd que les ménages sont pauvres).

Alors que la crise court toujours, la machine à créer de la pauvreté qu’est le capitalisme se porte comme un charme : non contente de sanctionner des pays victimes de sa propre irresponsabilité, elle parvient à retourner la situation pour faire triompher son projet de société fondé sur le moins-disant social et l’injustice économique. Espérons que, dans une Grèce proche de l’explosion sociale, les pendules seront vite remises à l’heure.

Vincent Nakash (AL Paris-Sud)

 
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