Harcèlement sexuel : Reprenons la rue aux machos




La plainte pour harcèlement sexuel à l’encontre d’Éric Raoult, dénoncé par sa collaboratrice, a remis sur le tapis le sujet du sexisme ambiant, que ce soit au travail, à l’université ou dans la rue. La lutte quotidienne reste à mener pour éradiquer ces violences répétées et aux conséquences nombreuses.

Depuis mars dernier, l’ancien maire UMP du Raincy (93), Éric Raoult, fait l’objet d’une enquête suite à la dénonciation d’Agnès Desmaret, ancienne directrice du centre communal d’action sociale (CCAS) de la ville, qu’il a licenciée après presque un an de harcèlement sexuel et plus de 15 000 textos à caractère sexuel. La ligne de défense de l’élu réutilise les classiques du genre : la négation des violences (il s’agissait pour lui d’un jeu de séduction mutuel), l’excuse de la plaisanterie (tout ça c’était pour rire, les femmes n’ont vraiment pas d’humour), et enfin, la culpabilisation de la victime, qui, apprend-on, s’est fait refaire les seins au cours du mandat de Raoult, ce qui veut bien dire qu’elle cherchait à le séduire, non ?

« L’affaire Raoult-Desmaret », c’est ce que vivent en silence des milliers de femmes dans le cadre du travail. C’est environ une femme sur cinq qui est touchée par le harcèlement sexuel dans le cadre du travail ; seulement 5 % d’entre elles portent plainte. La banalisation du harcèlement sexuel, que l’on tente d’assimiler à de la simple drague, rend difficile l’identification des violences, très souvent minimisées et niées par les victimes et les agresseurs. À cela s’ajoute la peur des conséquences pour celles dont le harceleur est un supérieur (patron, professeur) : risque de licenciement ou d’être rétrogradées, peur de ne pas pouvoir terminer ses études...

Ces derniers temps, on a pu entendre parler ça et là de harcèlement de rue, que l’on pourrait définir par l’ensemble des interactions non consenties avec des inconnus, auxquelles les femmes sont confrontées dans l’espace public. Il peut s’agir de « compliments » sur le physique, d’invitations diverses (à aller boire un café, à donner son numéro de téléphone ou – pourquoi s’emmerder avec les formalités ? – à tailler une pipe ou à prendre part à des rapports sexuels multiples) allant jusqu’aux insultes et menaces.

L’omerta règne

Ces violences sont encore peu reconnues, très souvent minimisées et dépolitisées. Pire : les femmes qui s’en plaignent sont accusées de provoquer de telles réactions, par leur tenue ou leur simple présence dans la rue.

À Paris, un collectif (Stop harcèlement de rue, présent surtout sur les réseaux sociaux) s’est monté pour dénoncer ces violences et rappeler que l’espace public est un bien dont les femmes devraient pouvoir jouir sans craindre les agressions. Elles ont réalisé des collages, et souhaitent faire pression auprès des municipalités pour les inciter à rédiger des chartes, des dépliants à l’usage des femmes victimes de harcèlement de rue. Si cela part d’une bonne intention, on ne peut que douter des résultats : on se souvient des « conseils aux femmes » dispensés par le ministère de l’Intérieur, incitant les femmes à ne pas sortir seules ou à éviter les endroits déserts, mal éclairés.

La lutte contre le patriarcat ne peut pas se contenter de mesures « poudre aux yeux » ou de plans d’actions sans lendemain. C’est collectivement, par l’autodéfense, la solidarité et la réappropriation collective des espaces publics que l’on peut venir à bout du machisme de rue.

Auréline (AL Toulouse)

 
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