Hervé Kempf : Presque révolutionnaire




Il est rare de trouver dans la presse quotidienne des journalistes ouvertement hostiles au système capitaliste et productiviste. Hervé Kempf, journaliste au Monde et auteur de deux ouvrages subversifs, est de ceux-là. Mais si sa critique est radicale, les solutions qu’il préconise le sont moins.

Contrairement à bien des écologistes qui militent pour un capitalisme vert, Hervé Kempf, journaliste au Monde et auteur de deux ouvrages décapants, décrit le capitalisme comme un système mortifère, responsable de la crise écologique, économique et sociale de la planète.

Là où la plupart des écologistes s’en prennent indifféremment aux consommateurs et consommatrices, aux pays riches pris comme un seul et même bloc et invitent la population sans distinction à changer de comportement et à faire des sacrifices, Hervé Kempf cible un système qui repose sur l’accumulation illimitée des marchandises et sur l’imitation par la grande majorité de la population de la planète d’un mode de consommation impulsé et modelé par les puissants. Non seulement ce système aboutit à une destruction des ressources naturelles de la planète au point de menacer l’espèce humaine, mais pour conforter et pérenniser ce mode de développement, il évolue de plus en plus, même lorsqu’il se réclame de la démocratie libérale, vers des formes oligarchiques, despotiques voire totalitaires – renforcement du contrôle social, criminalisation de la contestation...

Ce même système n’hésite pas non plus à se donner des habits verts pour répondre à l’inquiétude croissante face à une crise écologique qu’il est de plus en plus difficile de dissimuler.

Des analyses radicales…

Sur l’analyse de la crise écologique et sociale on ne peut que souscrire à la plupart des analyses que formule Kempf.

Les divergences vont apparaître quant à l’alternative à opposer au capitalisme. Dans ce domaine, le journaliste défend une démarche quasi proudhonienne privilégiant le développement d’expériences et d’alternatives « ici et maintenant » qui contribueraient à faire émerger des ferments d’organisation sociale et écologique égalitaire et démocratique (coopératives, Amap, logiciels libres…). Il défend également l’idée d’une relocalisation des activités économiques qui encouragerait des démarches autonomes et solidaires tournant le dos au marché. Pour autant, il sait bien que cela ne peut être suffisant pour l’éreinter de façon décisive.

…qui s’arrêtent en chemin

Malheureusement, son anticapitalisme s’incarne surtout dans une critique de ce système et ne va pas jusqu’à la rupture. Autant sa critique prend des accents radicaux, autant Hervé Kempf, comme effrayé par son audace, s’arrête au milieu du gué et a recours aux recettes prônées par certains économistes de la régulation et ONG comme la taxation des fonds spéculatifs ou encore l’instauration d’un revenu maximal admissible.

Ces recettes présupposent qu’il est possible de domestiquer le capitalisme, de le ramener à la raison et constituent autant de suggestions pour une gauche institutionnelle en panne de projet et dont l’auteur estime qu’elle ne peut avoir d’avenir que si elle opère une profonde mutation.

Face à une oligarchie qui ne jure que par la « stratégie du choc » pour reprendre la formule de Naomi Klein, la confrontation est pourtant inévitable, même si elle n’est nullement contradictoire avec des expériences et des « alternatives en actes » qui s’emploient dès aujourd’hui à saper le système.

Elle passe par la reconstruction d’une gauche sociale aujourd’hui bien éclatée et par un renforcement de sa composante libertaire qui pourra y jouer un rôle moteur si elle incarne davantage un courant émancipateur luttant contre toutes les oppressions.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

 
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