L’impasse afgane (1/6) : Quand l’occupant était russe




Entre 1979 et 1989, l’Afghanistan a connu une terrible guerre opposant l’Armée rouge aux moudjahidin. Les arguments pour justifier l’intervention soviétiques ressemblaient singulièrement à ceux de l’Otan.


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L’URSS est présente en Afghanistan dès 1919, et y joue un rôle important : en 1978, son aide financière fournit 40 % du budget afghan [1]. En avril 1978, le Parti démocratique populaire d’Afghanistan prend le pouvoir sous la direction de Taraki et se rapproche de l’URSS. Les États-Unis tentent alors de déstabiliser le pays, en finançant une trentaine de groupes de moudjahidin. Le président Taraki est assassiné par Amin, dont le coup d’État déclenche une guerre civile. Plus de 600 membres du parti communiste sont alors exécutés [2]]]. Mais ce chef d’État est à son tour assassiné en décembre 1979, par un homme de main du KGB à Kaboul.

70 ans de présence soviétique

L’Armée rouge envahit à ce moment l’Afghanistan, sous prétexte d’une attaque imminente des États-Unis, qui mettrait en péril la révolution Afghane. Elle invoque une intervention en conformité avec le Traité soviético-afghan, à la demande d’un gouvernement ami aux prises avec une insurrection subventionnée par les États-Unis (article 51 de la Charte des Nations unies). Selon la Pravda, cette intervention humanitaire devait prévenir l’instauration d’un régime terroriste, protéger le peuple afghan d’un génocide et repousser une éventuelle agression étrangère [3].

La propagande à l’Est et à l’Ouest

Mais les dirigeants de l’Occident voient la réalité d’une toute autre façon, et soutiennent la guérilla anticommuniste, qu’ils jugent tout à fait légitime. Ronald Reagan compare même Ben Laden et un groupe de rebelles afghans, qu’il reçoit, à « l’équivalent moral des pères fondateurs des États-Unis » 1. Car l’Occident sait que l’URSS a des intérêts impérialistes dans le contrôle des ressources du Moyen-Orient. Un intérêt crucial également pour les pays de l’Otan, car le nord de l’Afghanistan constitue une route alternative pour le pétrole du Kazakhstan et de l’Azerbaïdjan, deux régions qui représentent 4 à 5 % des réserves mondiales de pétrole et de gaz naturel [4].

Les peuples n’aiment pas les libérateurs bottés

En mars 2008, dans des débats au parlement canadien, un soldat soviétique, qui a servi en Afghanistan en 1987, déclare que « son unité livrait de la nourriture, du bois de chauffage, des vêtements […] aux Afghans ordinaires. Elle a construit des lignes de transport d’électricité, protégé les médecins soviétiques ». Ces soldats considéraient donc « que toute personne qui leur offrait une résistance était nécessairement mauvaise », puisqu’ils étaient là pour aider ces gens [5]. Récemment, une militaire canadienne déclarait : « Ce sont les Américains qui font la guerre. Nous, on est en Afghanistan pour la paix. On bâtit des écoles, on essaie d’aider le monde. » [6] Malheureusement, en dépit des « nobles intentions », autant des soviétiques que de l’Otan, tous se foutent éperdument de la population afghane.

Pendant plus de neuf ans, 250 000 soldats soviétiques ont constamment occupé le pays, 14 000 ont été tués et 75 000 blessés. De l’autre côté, 1 242 000 morts Afghans sont estimés, dont 80 % de civils. Aujourd’hui, comment l’occupation de l’Otan, qui repose sur les mêmes raisons fallacieuses que celle de l’URSS, peut-elle espérer réussir avec 70 000 hommes ?

Stéphane Boudreau (Nefac)

[1Francis Dupuis Déri, L’Ethique du vempire. De la guerre d’Afghanistan et quelques horreurs du temps présent, Lux, 2007.

[2PCUS, Report on Events in Afghanistan on 27-28 December 1979, sur www.alternativeinsight.com.

[3Lyahovsky, A. A., & Zabrodin, V. M., Taini Afganskoi Voini [Secrets of the Afghan War], Moscow, Planeta, 1991.

[4Genté R., « Du Caucase à l’Asie centrale, « grand jeu » autour du pétrole et du gaz », Le Monde diplomatique, juin 2007.

[6« S’engager... sans vouloir combattre », La Presse, 12/10/08.

 
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