L’impasse afghane (5/6) : Une guerre pour la démocratie ?




L’invasion par l’Otan en 2001 prétendait établir « la démocratie ». Mais l’occupation a surtout conduit à mettre en place un gouvernement subordonné aux intérêts économiques occidentaux.

En octobre 2001, les États-Unis envahissent l’Afghanistan et décident d’appuyer militairement l’une des forces d’opposition au régime taliban, le Front uni islamique et national pour le salut de l’Afghanistan, couramment appelé « Alliance du Nord », dont le chef, le fameux commandant Massoud, encensé par la presse occidentale, a été abattu à la veille des attentats par les talibans.

Début décembre, l’Alliance du Nord prend Kaboul, Kandahar et une bonne partie du pays. Les talibans en déroute fuient pour la plupart vers le Pakistan, le temps d’organiser une guérilla en vue de reprendre les hostilités en 2002. La presse occidentale jubile : les tyrans moyen-âgeux sont en fuite, « la démocratie » a de beaux jours devant elle et il ne reste qu’à capturer Ben Laden. En grande majorité, les Afghans sont soulagés d’être libérés du joug des talibans. Le sentiment qui domine est que, « au moins, maintenant, nous allons avoir la paix et la sécurité, et peut-être un peu de nourriture. » [1]

Cependant, le retour des seigneurs de guerre de l’Alliance du Nord, qui avaient mis à feu et à sang le pays entre 1992 à 1996, met fin aux illusions du peuple afghan qui voulait croire à la fin de la terreur religieuse. En effet, après le retrait des troupes soviétiques en 1989, les massacres, la torture, les pillages, les viols et les extorsions constituaient le lot quotidien de la population soumise aux exactions des différents chefs de guerre. Durant le règne de l’Alliance du Nord, le pays avait été soumis à un lot d’atrocités sans précédent dans l’histoire afghane. Après leur retour au pouvoir en 2002, une militante de l’Organisation révolutionnaire des femmes afghanes (RAWA) déclara à ce propos : « Je vois le sang de mes fils sur les costumes et les cravates immaculés des leaders de l’Alliance du Nord. » [2]

hamid Karzaï : homme de main de Washington

Les États-Unis parviennent à la fin 2001, par le biais des Nations unies, à établir un accord entre les différentes factions afghanes, afin de mettre en place une administration intérimaire. Hamid Karzaï, le leader royaliste pashtoun devient alors leader intérimaire jusqu’à la convocation en 2002 de la Loya Jirga, une assemblée traditionnelle de notables afghans. Puis il devient le président du gouvernement intermédiaire jusqu’à son élection officielle en 2004. Soutenu par les États-Unis, Karzaï est élu à la tête d’un gouvernement fantoche à la solde de l’Otan.

L’homme de main des États-Unis avait été vice-ministre des Affaires étrangères de 1992 à 1994, après que les moudjahidins de l’Alliance du Nord eurent chassés les soviétiques. De 1995 à 1998, après la prise de pouvoir des talibans, il était devenu consultant pour Unocal, un géant pétrolier californien, qui étudiait la construction d’un pipeline pour relier le Turkménistan et le Pakistan en traversant l’Afghanistan [3]. Après la déroute des talibans en 2001, l’administration Bush a propulsé Karzaï comme futur président de la « nouvelle démocratie » afghane.

De Washington à Kaboul, les compagnies pétrolières pouvaient dorénavant compter sur deux présidents soucieux de leurs intérêts financiers.

Du régime soviétique inféodé à Moscou à l’Alliance du Nord inféodée à Washington, le peuple Afghan s’est vu imposer des gouvernements fantoches par les puissances impérialistes désireuses de contrôler les ressources naturelles et les réserves énergétiques de la région. Malgré tout, nos gouvernements tentent encore de nous faire croire que tout le sang versé aurait permis d’établir la paix, la sécurité et la démocratie en Afghanistan.

Stéphane Boudreau (Union communiste libertaire, Montréal)

[1« Tariq Ali on Afghanistan today : Six years of a war of terror », Socialist Worker, 26/10/07.

[2Déclaration de RAWA à l’occasion de la Journée internationale des droits
de l’homme, 10/12/01.

[3« Le nouveau président est un proche des Américains », Le Monde, 5/12/01.

 
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