La Poste : La direction cède, un gréviste succombe




La mort d’un facteur sur un piquet de grève de Brive a donné un tour dramatique aux conflits qui se multiplient depuis le début de l’année à la Poste. La direction a, du coup, cédé en bonne partie.

La Poste a, depuis plusieurs années, acté un changement radical dans la distribution du courrier. Le dispositif Facteur d’avenir en est un des pans essentiels. Cela fait des mois que ce projet provoque un rejet unanime et des conflits dans toute la France. Mais ces dernières semaines, les actions ont pris une tournure beaucoup plus radicale... et ont vu la mort d’un gréviste en Corrèze.

Dans les bureaux de poste de Brive et de Tulle, la mise en place de Facteur d’avenir a, comme ailleurs, fait des dégâts : baisse du service public, conditions de travail dégradées, accentuation de la flexibilité du travail. Une situation qui empire avec la proclamation d’un plan d’économie de toute la Poste et notamment dans les services du courriers : pas ou peu d’embauche de CDD, remplacement d’un facteur sur cinq au lieu d’un sur deux les années précédentes.

Il n’en faut pas plus pour que les factrices et les facteurs de Brive partent en grève le 20 mars, rejoints par ceux et celles de Tulle, Corrèze et Marcillac trois semaines plus tard, avec le soutien des syndicats Sud, CGT, CFTC et FO. Dès le départ, la direction fait le choix de pourrir la situation. Elle ne répond pas aux revendications du personnel et multiplie les provocations. Bref, le conflit s’envenime à toute allure. Ambiance très tendue entre les organisations syndicales et la direction. La situation prend un tour dramatique avec la mort d’un des facteurs de Brive le 17 avril.

Haie d’honneur

Alors qu’il attendait, sur le piquet de grève, qu’une délégation sorte d’une négociation avec la direction, Albert Perpinan, 52 ans, a été terrassé par une crise cardiaque. Un de ses collègues racontera que ce jour-là, Albert, qui ne parlait jamais en public, a pris la parole : « Il a demandé à tout le monde de ne rien lâcher, de se battre contre “facteur d’avenir” ». Ça aura été ses dernières paroles. Ce décès brutal, au bout d’un mois de conflit, a ému les postières et les postiers de la France entière. Quelques jours plus tard, plus de 400 personnes, dont environ 200 de la Poste, ont regardé passer en silence son cortège funèbre, en formant une haie d’honneur.

Il aura fallu cela pour que la Poste infléchisse ses positions. Même si ce décès n’est pas directement imputable à l’entreprise, elle sait qu’en refusant de dialoguer, elle a mis une forte pression sur les grévistes. Quant à Tulle, Corrèze et Marcillac, c’est fin avril que les grévistes ont obtenu satisfaction, même si la Poste a voulu séparer les établissements en allant jusqu’à affirmer cyniquement que la différence entre Brive et Tulle c’était « la mort d’un facteur ».

Cette lutte en partie victorieuse prouve encore une fois que le syndicalisme de lutte paye. Il faut noter également la place prépondérante que les femmes ont prise dans cette lutte. Ce sont elles qui se sont montrées les plus radicales dans la lutte contre la direction.

Alors que certaines organisations syndicales, comme la CFDT, préfèrent négocier les suppressions d’emplois, la lutte des Corréziennes et des Corréziens montre qu’il est possible de s’y opposer. Quelques semaines plus tard, Orléans se mettait à son tour en grève. Au bout de deux semaines, la direction accédait aux revendications, les cadres murmurant entre eux qu’une telle colère ne s’étaient pas vue depuis Décembre 95. Le terreau est là. À quand un mouvement d’ampleur nationale à La Poste ?

Germinal de Sousa (AL Orléans)

 
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