Lille : Les Roms à la bourse du travail




Le 28 octobre, un groupe de Roms amorce, après l’expulsion de leur campement, une occupation de la bourse du travail de Lille avec le soutien des syndicats. Reportage.

Lundi 28 octobre, près de 200 Roms ont été exclu-e-s d’un parking de l’université Lille-I. Privé-e-s de leurs biens, de leurs papiers, de leur logement, plus d’une centaine d’entre eux, dont 51 enfants, se sont dirigés vers la bourse du travail de Lille [1].

Le 12 novembre, quelques personnes ont rejoint leur famille ailleurs, mais la grande majorité des expulsé-e-s est encore là. Les caravanes, confisquées par la préfecture le jour de l’expulsion et dispersées dans les différentes fourrières de la métropole, peuvent être récupérées gratuitement, assure le préfet. En fait, si les caravanes sont bel et bien récupérables, certaines ont visiblement été dégradées au point de n’être plus transportables : pneus crevés ou manquants, fenêtres brisées… De plus, elle ne seront remises à leur propriétaire que s’ils indiquent leur destination : ironie manifeste de la part de ceux-là même qui refusent toute proposition de relogement. Le but ici est presque explicite, au moins autant que les déclarations sauvages de l’adjoint au préfet : « La solution, ce serait qu’ils retournent chez eux  ».

« Nous avons fui. Nous fuyons toujours. »

« Chez eux », le Graal des apôtres de l’État-Nation. Oui, mais les Roms sont apatrides, et ceux de la bourse du travail nous racontent : « Nous sommes venus en France après avoir erré quelques temps en Europe. Nous étions en Roumanie et notre village a été attaqué, brûlé. Nous avons fui. Nous fuyons toujours. » Les Roms semblent n’être chez eux nulle part.

On voit parfois renaître l’espoir. À la bourse du travail de Fives, la mobilisation a été presque immédiate et de large envergure. Les soutiens font des blagues sur la quantité de boîtes de raviolis livrées par les associations caritatives : « Au pire, ça nous servira de projectiles ». Si des choses manquent toujours, si les conditions sanitaires sont peu satisfaisantes (deux toilettes et deux lavabos pour environ 120 personnes, une cuisine minuscule dont le principal équipement se limite à des plaques et brûleurs de camping), la solidarité prévaut. Les assemblées entre Roms, syndiqué-e-s et non-affilié-e-s se multiplient. On organise la vie et la lutte en commun. Et on voit, par instants, se concrétiser un espoir : une lutte qui transcenderait les statuts de salarié, retraité, sans-papiers, ou Rom.

De l’arrivée inattendue des Roms à la bourse du travail est en effet née une incroyable dynamique collective : les syndicats locaux ont mis de coté leurs clivages traditionnels pour travailler ensemble au sein d’une intersyndicale qui commence à effrayer la préfecture, tandis que les Roms se sont organisé-e-s en collectif et déclarent : « Nous, Roms, voulons montrer à tous les citoyens européens que nous sommes capables de faire des choses qui n’ont jamais été accomplies jusqu’à maintenant, et ce parce que nos situations ne sont pas prises en considération, car nous les Rroms sommes considérés comme des chiens vagabonds et sans maîtres […]. De toutes façons, nous allons continuer les manifestations jusqu’à ce que ceux qui nous ont expulsés nous acceptent ! ».

Ilham et Nath (AL Lille)

 
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