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En guerre pour la vie

Cette fois les éditions du Coquelicot ont édité les mémoires du militant de la CNT espagnole Cipriano Mera. Celui-ci a eu un parcours pour le moins atypique par le fait d’être propulsé, d’ouvrier maçon militant à la CNT, à des responsabilités militaires sur le front de Madrid au sein de la milice libertaire locale. Cipriano Mera retrace sa vie d’avant la guerre civile espagnole, pendant la révolution, son exil dans les colonies françaises du Maghreb... Puis il est livré aux autorités franquistes par le régime de Vichy. Il est prisonnier dans les geôles du régime fasciste jusqu’à son étonnante libération.

En dehors de la haine politique profonde qu’il exprime en permanence à propos des communistes staliniens espagnols, la tranche de vie qu’il raconte est édifiante. Sa personnalité sans concession y compris envers lui-même et sa rigueur morale révèlent un caractère intransigeant mais peut-être parfois trop psychorigide et borné. Cependant son regard sur les hommes et les femmes comme la société qui l’entourent laisse un témoignage qui pousse à la réflexion collective quant aux comportements humains. Confronté à la guerre il perçoit les failles du système militaire républicain, mais aussi les contradictions de simples militants ou de responsables libertaires, ou encore d’individus enthousiastes confrontés à des postures idéologiques (anti-autoritaires, pacifistes, etc.) en décalage total avec ce qu’ils vivent au quotidien (inexpérience dans les combats, désertions, exécutions sommaires, autoprotection individuelle, pillages, etc.).

La réflexion à ce sujet pousse même Mera, certainement minoritaire au sein de la CNT, à soutenir l’incorporation des milices à l’armée régulière républicaine. Témoin direct de la mort de Durruti, il casse mythes et rumeurs à propos d’une éventuelle balle venant de son propre camp (anarchistes ou staliniens). Mera pointe aussi les relations conflictuelles qui ont pu naître au sein même de la CNT durant la guerre mais aussi dans l’exil.
L’écriture de ces mémoires est un peu lourde et il est parfois difficile d’accrocher au texte, cependant Mera, maçon autodidacte, a le mérite de décrire les contradictions d’une situation qui échappe grandement aux protagonistes de cette histoire, lorsque chacun y est confronté-e comme on le dit communément « le nez dans le guidon ».

Il n’y a pas de leçon de sagesse dans les propos de Mera mais ceux-ci incitent à méditer sur l’action politique du quotidien.

JM Izrine (AL Toulouse)

Cipriano Mera, Guerre, exil, et prison d’un anarcho-syndicaliste, éditions du Coquelicot, 2012, 22 euros.

 
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