Lire : Collectif Champ libre aux sciences sociales : « Manifeste. La Connaissance libère »




Un appel à l’initiative de chercheuses et de chercheurs en sciences sociales vient d’être lancé afin de redonner à leurs disciplines respectives une place de premier plan dans le débat public. « Champ libre aux sciences sociales » représente ainsi le nouvel effort pour constituer l’« intellectuel collectif » imaginé par Pierre Bourdieu après les grèves de 1995.

Les scientifiques engagé-e-s dans cette aventure sont animé-e-s par le souci de restituer aux citoyens les résultats de leurs enquêtes afin de critiquer les discours justifiant la domination. Il ne s’agira donc pas de sacrifier la rigueur scientifique à la cause politique mais au contraire de réaffirmer le caractère fondamentalement émancipateur de la science.

Entre rappels à l’ordre économique et mises au pas politiques, les sciences (sociales) souffrent d’être les otages de l’ordre néolibéral, dont le programme est celui du démantèlement progressif des conquêtes sociales, parmi lesquels on trouve justement la transmission des compétences. Sociologues et historien-ne-s, ethnologues et anthropologues, politistes et économistes posent d’abord les bases d’une analyse des principales formes de la domination contemporaine. Ils proposent ensuite de réfléchir aux conditions déterminant l’affaiblissement des sciences sociales dans l’espace public.

De la domination masculine à la stigmatisation des classes populaires en passant par la naturalisation du modèle de la famille hétéro-patriarcale et le « rapt politique » de l’immigration, nombreuses sont les analyses existantes qui aident à déconstruire le sens commun. Il se trouve aussi que « l’insupportable dimension critique des sciences sociales » est depuis quelques années consciemment affaiblie par un certain nombre de politiques publiques, de la mise en concurrence des universités sous prétexte d’autonomie au financement sur projet et à l’évaluation permanente sous prétexte d’efficacité.

Sans compter la pression du temps court médiatique peu compatible avec le temps long de la science. Il faudra pourtant compléter ce nécessaire « manifeste » par deux critiques qui le sont autant. La première concerne le programme a minima d’une contestation citoyenne du néolibéralisme alors que l’urgence exige de sortir du capitalisme.

En second lieu, on peut regretter que le manifeste ne discute pas les origines de l’institutionnalisation de la sociologie (sous la houlette d’Emile Durkheim) à l’époque du triomphe de la IIIe République. Le projet était alors de substituer la thématique consensuelle de la question sociale, au nom de l’intégration étatique des classes laborieuses à la problématique révolutionnaire de la lutte des classes alors portée par les Communardes et les Communards.

Franz B (A L93)

Collectif Champs libre aux sciences sociales, Manifeste. La Connaissance libère, éd. Croquant-La Dispute, 2013, 63 p, 5 euros.

 
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