Lire, Joe Matt : « Épuisé »




Épuisé est son dernier opus. Sera-t-il l’ultime ?

Joe Matt, qui ne s’était jamais répandu de façon aussi pathétique, traverse une profonde crise existentielle. Crise qui se double, par la force des choses, d’une crise d’inspiration, puisque Matt est un de ces dessinateurs américains qui – comme ses amis Chester Brown ou Seth – ont fait du comics autobiographique un genre à part entière. Sa vie de loser, il en a tiré plusieurs albums à succès. Pingre, égoïste, lâche, goujat, calculateur, fainéant, tyran, obsédé sexuel, l’auteur est tout cela à la fois, et l’a déjà raconté avec une autodérision féroce et désopilante. Dans les très bons The Kids et Striptease, on le voit débuter sa carrière dans la BD, après une enfance passée sous le joug d’une éducation catholique pointée comme la source de toutes ses névroses ultérieures. Dans l’excellentissime Peep-show, on suit pas à pas les phases de sa rupture avec sa petite amie Trish, à Montréal.

Épuisé se situe trois ans après cet épisode crucial.

Joe, pas vraiment remis de sa rupture, vit maintenant à Toronto, enfermé dans une chambre minable dont il sort le moins possible – il préfère uriner dans un bocal plutôt que de risquer croiser ses colocataires en allant aux toilettes. Délaissant la planche à dessin, il ne fait pratiquement plus rien de ses journées, hormis visionner des vidéos porno et se masturber. On en arrive même à se dire que la consommation de pornographie peut être une pratique sexuelle à part entière tant cette activité l’accapare – il va jusqu’à se lancer un défi : 20 fois en une journée ! Vivant désormais en reclus, Joe n’a plus que deux amis. Mais Chester et Seth, exaspérés par son naufrage, ne cessent de l’accabler de sarcasmes.

Évidemment, avec si peu d’éléments, le scénario se mord la queue et risque de lasser.

Les exégètes de Joe Matt considèreront à coup sûr Épuisé comme une pièce indispensable à la compréhension de son œuvre. Mais aux novices, on recommandera de commencer par Peep-show, actuellement en réédition aux Humanoïdes associés. Quant aux fans déçus, qu’ils se rassurent, il reste une chance à l’auteur de se ressaisir : la lecture de son Myspace révèle que Joe Matt vient de quitter le Canada pour San Francisco et s’est désormais… converti au bouddhisme ! Une nouvelle phase dans sa quête onaniste, sans doute, qui nous réserve un prochain album plus acide que jamais !

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

  • Joe Matt, Épuisé, Seuil, 2007, 16,50 euros.
 
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