Lire : Michel Onfray : Le Postanarchisme




Onfray ou l’anarchisme réformiste.

Le dernier opuscule publié par Onfray se divise en deux parties. Dans la première (et c’est toujours intéressant parce que l’humain nous intéresse) Onfray raconte son enfance, les chemins de sa révolte et de sa politisation. Ses rencontres et ses lectures. Ses postures également qui sont censées protester de son bon droit à donner des leçons d’anarchisme à la planète : refus d’intégrer le petit milieu intello parisien pour rester vivre et enseigner dans un lycée technique de l’Orne pendant vingt ans (ce qui est éminemment respectable tout comme la construction de son Université populaire). Le lecteur note tout de même qu’il n’y a nulle trace d’un militantisme réel et que ce défaut d’ancrage peut expliquer partiellement les prétentions et les erreurs.

En seconde partie l’auteur distribue un peu vite bons et mauvais points aux différents penseurs et courants de l’anarchie. Réintègre Nietzsche et les postmodernes. Affirme une rupture complète avec le communisme autoritaire. Refuse l’historiographie simpliste qui sépare définitivement individualisme et collectivisme. Remarque que la pensée anarchiste semble paralysée, voire dogmatique. Propose de revisiter les rapports à l’État et aux élections. Critiques et propositions souvent pertinentes mais qui s’adressent sans nuances aux différentes sensibilités et organisations de la galaxie libertaire comme s’il était le premier à poser ces débats.

Malheureusement ce joyeux remue-ménage accouche d’une souris. Et l’ouvrage ne comblera pas le vide sidéral qu’il dénonce. En rejetant d’un même mouvement le Grand soir, Marx et Bakounine pour leur apologie de la violence, Onfray nie la matérialité de la politique réelle c’est-à-dire l’affrontement entre les classes et la violence que la classe possédante est résolue à utiliser pour maintenir ses privilèges. La lutte pour le socialisme libertaire qu’il nous propose, au demeurant plutôt sympathique, devient l’épisode de « Oui-Oui prête sa voiture rouge ! » Appuyé sur une belle citation de La Boétie « Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres », il propose une éthique militante en effet indispensable. Mais il conclut en posant que cette éthique au pouvoir démultiplié par la coopération entre toutes et tous (qui a suffi aux lilliputiens pour entraver Gulliver) suffira pour forger un monde nouveau. En jetant l’eau sale des expériences tragiques du XXe siècle Onfray jette également le bébé. Je parie que sa grand-mère verra bien que son loup est sans dent, sans danger.

Jean-Yves (AL 93)

• Michel Onfray, Le Postanarchisme expliqué à ma grand-mère : le principe de Gulliver, Éditions Galilée, octobre 2012.

 
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