Lire : Michel Onfray, « Traité d’athéologie »




Alors que décembre 2005 marque les 100 ans de la loi de séparation de l’Église et de l’État que Sarkozy souhaite remettre en cause, Le Traité d’athéologie de Michel Onfray, sorti en janvier dernier et vendu à plus de 400.000 exemplaires aura apporté un peu d’air frais dans un contexte marqué par une offensive des religions à l’échelle internationale ou plus justement d’une offensive politique réactionnaire généralisée sous couvert de religion.

Michel Onfray présente son ouvrage comme une intervention polémique dans un contexte marqué par un "retour du religieux" et du maintien, sous des formes laïques, de l’idéologie judéo-chrétienne. Le philosophe se revendique d’un matérialisme hédoniste [1] et fait feu de tous bois contre les trois monothéismes chrétien, musulman et juif. Il mobilise les ressources de l’histoire, la lecture des textes sacrés, la philosophie, la psychanalyse pour présenter un véritable réquisitoire, non contre les croyants, mais surtout contre les divers appareils religieux qui exploitent la détresse humaine à leur profit, répandant pour cela une idéologie, une morale et des pratiques nauséabondes.

En résumé, il s’agit d’en finir avec :

 Les innombrables crimes perpétués au nom de dieu, par les autorités religieuses elles-mêmes ou par leur complicité avec des régimes oppresseurs, tyranniques, esclavagistes, fascistes.

 L’irrationalisme, la superstition et l’obscurantisme, la culture (sinon le culte) du mensonge et de la falsification de l’histoire sur lesquels se fondent les mythes religieux.

 La morale du renoncement et du ressentiment envers la vie, dont découlent la haine du désir, du corps, du plaisir, des femmes… Cette morale va de pair avec la promesse d’un “ arrière-monde ” illusoire d’après la mort et conduit les croyant(e)s à une aliénation certaine en même temps qu’elle endort toute volonté de révolte dans “ l’ici-bas ”.

Le Traité d’athéologie ne persuadera peut-être que les convaincu(e)s. Ceci dit, Onfray possède un talent de pamphlétaire et son argumentaire, nourri de données concrètes et intéressantes, peut confirmer les intuitions antireligieuses d’un public large mais indécis. Ce qui serait salutaire, et en ce sens on ne peut qu’approuver la démarche

Mais on peut émettre des réserves sur certains points. D’abord sur une sorte d’optimisme excessif d’Onfray, qui semble penser, par une vision un peu cyclique et mécanique de l’histoire, que nous serions à l’aube d’un âge "postchrétien". Ensuite sur le manque de cohérence de certains propos : Onfray, en s’inspirant de Nietszche, ne cesse de dénoncer la morale religieuse, mais souvent au nom de principes moraux (altruisme, volonté de vérité…) qui ressemblent beaucoup aux principes "judéo-chrétiens"… Il faut dire à sa décharge que les textes sacrés véhiculent tout et son contraire, en matière morale.

Enfin sur la dimension pratique, politique de l’athéisme. Il me semble sur ce point en deçà de l’analyse de Marx et Engels. Ces derniers en effet pensaient que pour vaincre l’aliénation religieuse, il ne suffit pas de la dénoncer au niveau du discours comme illusion, ce qui est la posture classique du militant athée. Il faut en outre transformer la réalité matérielle, sociale et politique, qui fait que les hommes ont besoin d’illusions religieuses : la misère, l’inégalité, qui engendrent le refuge derrière "l’opium" religieux. La critique par les idées doit alors se transformer en critique par les armes, la lutte des classes étant seule à même de vaincre le capitalisme comme système engendrant cette misère. Avant l’illusion, il faut vaincre la situation qui a besoin d’illusion. Au niveau d’un tel "athéisme pratique", Onfray ne dit pas grand-chose, ou du moins il ne développe pas de propositions concrètes à même de renouveler le débat, ce qui est dommage. Mais peut-être cela sera-t-il l’objet d’un prochain traité…

Olivier (AL Angers)

  • Michel Onfray, Traité d’athéologie, Grasset, 2005.

[1La philosophie hédoniste désigne la recherche du plaisir, de la jouissance.

 
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