Machisme langagier : Les choses qui n’ont pas de nom n’existent pas




Un député tient à appeler la présidente de séance «  Madame le président  » et est rappelé à l’ordre. Il invoque alors les règles de l’académie française pour justifier son attitude, règles inventées récemment pour faire disparaître l’existence des femmes dans la vie publique et professionnelle.

L’assemblée des vieux réacs a réagi. Elle réaffirme que le masculin a valeur générique et nous renvoie à un texte de 1984 qui explique que le féminin, est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux être animés, institue entre les sexes une ségrégation.

L’utilisation du féminin est donc discriminatoire  : il en résulte que pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit «  féminin  » – en français, genre discriminatoire au premier chef - soient évités.

Brillant non ?

L’académie a dû depuis céder sur les noms de métier (même si elle couine de temps en temps que c’est pas beau, elle s’incline devant l’usage). Il lui reste les noms de titres et fonctions, pour lesquels elle défend sans grande difficulté le masculin comme générique, vu que la plupart sont portés et exercés par des hommes (non génériques).

Elle prétend défendre la langue et son histoire, remontant au latin, alors qu’avant l’intervention des masculinistes du langage, les grammairiens affirmaient en 1607 «  tout nom concernant office d’homme est de genre masculin, et tout nom concernant la femme est féminin  » ou en 1632 «  Tous les noms de dignités et d’offices appartenants à l’homme sont masculins : pape, évêque, empereur, roi, comte, conseiller, avocat, procureur, licencié, marchand, etc.  » De même, sont féminins les noms «  d’offices et conditions appartenantes aux femmes  : reine, comtesse, duchesse, abbesse, nonne, conseillère, barbière  »

Le masculin n’est pas plus générique qu’il ne l’emporte sur le féminin. Son utilisation pour qualifier les femmes est juste le signe d’un patriarcat rétrograde dont les servants peinent à admettre l’égalité et œuvrent à faire disparaître les femmes qui réussissent (réussite de laquelle on peut discuter, mais c’est un autre sujet).

Christine (AL Orne)

Références : Eliane Viennot, Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin ! Petite histoire des résistances de la langue française, Éditions iXe, 2014.

 
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