Coordination fédérale d’AL de septembre 2011

Motion de CF : Pour une sortie, la plus rapide possible, du nucléaire




Motion adoptée par la Coordination fédérale d’Alternative libertaire de septembre 2011.

Au niveau mondial, les énergies renouvelables supplantent déjà largement le nucléaire : En 2004, elles fournissaient 12,8% de la consommation mondiale d’énergie primaire contre 6,5% pour le nucléaire d’après les données de l’Agence
internationale de l’énergie (AIE). Cette situation évolue rapidement et place le nucléaire encore plus à la traîne.

Si l’industrie électronucléaire représente près de 80% de la production d’électricité en France, elle ne constitue que 15%
de la consommation d’énergie. Il faut donc relativiser les conséquences négatives à courts termes, pour la population en
France, d’un abandon de cette source d’énergie. La question de la sortie du nucléaire n’en est pas moins ardue en France, dans
le pays le plus nucléarisé de la planète.

Le nucléaire n’apporte pas de solution au réchauffement climatique. Les besoins en électricité couverts par le nucléaire ne
concernent pas la plupart des secteurs très émetteurs de CO2 notamment les usages du pétrole (transports, industries, etc.). Au
total, ce sont 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre pour lesquelles le nucléaire est incapable d’apporter quelque
solution que ce soit. De plus le nucléaire ne permet pas de récupérer la chaleur dégagée lors de la production d’électricité. Une
centrale thermique classique couplée à une installation en cogénération – produisant ainsi électricité et chaleur - permet
d’émettre 7 fois moins de gaz à effet de serre qu’une centrale nucléaire et une installation de production de chaleur isolées
l’une de l’autre.

Le nucléaire n’est pas l’énergie propre que prétendent ses partisans. La consultation des rapports EDF permet de montrer
que, même en fonctionnement normal, les centrales rejettent massivement du tritium radioactif dans l’environnement, mais
aussi une pollution chimique importante : sodium, chlore, acide borique, ammoniaque, agents anticorrosion, antioxydants,
phosphates, sulfates...

La France a beau être le pays le plus nucléarisé du monde, sa consommation d’énergie reste dépendante des énergies
fossiles à près de 75%. Le choix du nucléaire par la monopolisation des recherches qu’il entraîne, est en train de faire « rater » le tournant des énergies renouvelables à l’industrie en France. De plus, de nombreuses études montrent qu’à confort égal, la
consommation d’électricité pourrait en quelques années diminuer d’un tiers. Le nucléaire entretient le gaspillage …

Rappelons que des succès importants ont déjà été obtenus par les luttes antinucléaires, qui ont permis que certaines
centrales ne voient pas le jour (Plogoff), que la filière surgénératrice soit abandonnée (Malville), que les projets
d’enfouissement des déchets soient pour la plupart mis à mal (Bure)…

La poursuite par le capitalisme français de ses investissements dans la filière électronucléaire ne correspond aucunement
aux « intérêts de la France », tels que les nucléairocrates l’affirment : Le coût officiel de l’électricité en France fait abstraction
des coûts indirectes payés ou à payer par les impôts, en particulier dans les subventions de l’état pour son développement, pour
les conséquences désastreuses sur la santé, pour les coûts à prévoir du démantèlement des centrales en fin de vie … La soit disant
« indépendance énergétique » est une fumisterie quand la totalité de l’uranium consommée est importée (Canada,
Australie, Niger…).

Les objectifs réels poursuivis par les capitalistes « français » ne sont que leurs propres intérêts, quelques soient les
conséquences sanitaires et les risques imposés à la population. Une sortie du nucléaire, basée sur le développement des
économies d’énergies et sur le développement des énergies renouvelables ne pourrait qu’être favorable aux classes sociales
exploitées de ce pays. D’ailleurs, la population est favorable à plus de 65 % à la sortie du nucléaire. Il reste à concrétiser cette
envie, en informant massivement la population sur la possibilité réelle et positive d’une sortie du nucléaire, pour que puisse se
développer un véritable mouvement de masse capable d’imposer ses choix.

La dangerosité immense de la filière électronucléaire impose que l’on ne puisse pas se satisfaire d’une sortie progressive
du nucléaire. Ce qu’il faut viser, c’est une sortie quasi immédiate du nucléaire ; une sortie qui ne peut pas attendre que le
système capitaliste soit démantelé lui aussi et qui imposera, peut-être, la remise en service, temporaire, de centrales thermiques
émettrices de gaz à effet de serre.

Pour gagner ce combat, il est nécessaire, dès aujourd’hui, de mener d’autres combats : pour le développement des
économies d’énergie et des énergies renouvelables ; un combat culturel pour que les classes sociales exploitées s’émancipent
du consumérisme et que se développent le plus possible des éléments d’alternatives sociales et économiques, des
contrecultures autonomes par rapport à l’idéologie dominante… Ces éléments sont à la fois des moyens pour convaincre les
classes sociales exploitées de la possibilité réelle de la sortie du nucléaire et pour préparer concrètement celle-ci... en
anticipant sur les infrastructures nécessaires à la sortie du nucléaire.

Pourquoi il faut sortir du nucléaire

La première raison qui apparaît est le risque d’accident majeur, comme il s’en est produit par exemple à Kychtym (URSS)
en 1957, à Three Mile Island (USA) en 1979, à Tchernobyl (Ukraine) en 1986 et en 2011 à Fukushima (Japon). Ces accidents
majeurs font peser un risque énorme et très particulier aux régions où sont installées des centrales nucléaires : au-delà des
dizaines, voire des centaines de milliers de morts qu’ils entraînent plus ou moins rapidement, en particulier pour les travailleurs
et les travailleuses qui tentent de limiter les rejets radioactifs dans l’environnement, un accident nucléaire majeur rend des
régions entières impropres à toute vie humaine. Quelles conséquences en France, par exemple d’un accident majeur à la
centrale de Nogent-sur-Seine, près de Paris ?

En France, les réacteurs nucléaires vieillissent et se fragilisent. Et pourtant, la centrale de Fessenheim vient d’être
prolongée pendant dix années supplémentaires. En 2006, 739 « incidents » ont eu lieu sur le parc nucléaire. Et au-delà de cet
aspect technique, d’autres risques non ou mal maîtrisés rendent l’exploitation de l’énergie atomique effroyablement
dangereuse : erreur humaine, risque sismique, risque d’attentat …

Mais, le danger nucléaire c’est aussi une pollution chronique issue de la totalité de la filière nucléaire (mines, production
du combustible, centrales électronucléaire, retraitement...). Le nucléaire, c’est enfin le casse-tête sans aucune solution
acceptable des déchets nucléaires qui s’accumulent pour des durées se mesurant en centaines de milliers d’années, voire en
millions d’années.

La logique même du capitalisme qui prévaut sur toute la planète accroît encore plus les risques qui touchent d’abord les
travailleurs du nucléaire et les populations voisines des centrales : les politiques continues de réduction des coûts de
maintenance, de sous-traitances généralisées et sans formations suffisantes, voire pour les années à venir de délocalisation des
centrales vers les pays du Sud, ne peuvent qu’accroître les dangers de l’industrie nucléaire.

Et que penser, si les économies occidentales devaient s’effondrer sous les coups de boutoir de la crise, des risques d’une
telle industrie laissée à l’abandon ?

Enfin, nous n’oublions pas que la technologie nucléaire civile est depuis ses débuts, comme elle l’est encore aujourd’hui,
intimement liée à la prolifération de la bombe nucléaire qui fait peser un risque, considérable lui-aussi, même s’il est d’une
autre nature, à l’humanité toute entière.

Au-delà des risques sur la santé et pour l’environnement, l’industrie nucléaire fait peser un danger d’une autre nature sur
la société. Une société nucléarisée ne peut être que centralisé, autoritaire, policière. Dès les prémices de l’industrie nucléaire, la
démocratie parlementaire a été bafouée. Des décisions, qui engagent l’avenir pour des dizaines de milliers d’années, ont été
imposées par le lobby pro-nucléaire sans information des populations et sans débat parlementaire. Les connexions entre le civil
et le militaire ne peuvent que renforcer ces tendances et une société nucléarisée peut être le prétexte à l’écrasement dans le
sang d’un mouvement social trop entreprenant et à l’instauration d’une véritable dictature.

Sortir du nucléaire le plus rapidement possible

La nature du risque nucléaire ne permet pas d’envisager une sortie progressive qui se ferait lentement et en parallèle avec
une montée en puissance des énergies renouvelables. Un tel scénario qui laisse durer 20 à 30 ans le risque d’un accident
majeur, n’a véritablement de sens que pour la sauvegarde des intérêts des multinationales de l’industrie électronucléaire.

En premier lieu des mesures immédiates doivent être prises, dès que la décision politique de sortie du nucléaire aura été
obtenue : arrêt de la filière EPR et arrêt des chantiers actuels de construction de nouvelles centrales ; fermeture immédiate des
centrales les plus vieilles et les plus dangereuses.

Pour les autres centrales et pour le reste de la filière nucléaire, l’urgence commandera une fermeture accélérée. Une sortie
Quasi immédiate, ce n’est pas du jour au lendemain mais ce n’est pas non plus dans dix ans. Quelques années seront sans doute
nécessaires pour mettre en œuvre la sortie du nucléaire. Le réseau Sortir du Nucléaire a d’ailleurs élaboré, entre
autres, un scénario de sortie du nucléaire en cinq ans.

Ce scénario est basé sur :

  • des économies massives d’énergie (nouvelles normes et renouvellement des équipements électriques – éclairage,
    électroménager, informatique) ; le remplacement du chauffage électrique - seul le quart de l’énergie produite est réellement
    utilisé – par du renouvelable et du thermique ; des économies basées sur l’optimisation de l’éclairage électrique collectif ; des
    programmes massifs d’isolation de l’habitat ; de nouvelles normes pour les bureaux, les commerces et l’industrie pour imposer
    d’importantes économies ; ... et l’arrêt de la filière nucléaire – qui consomme la production de 3 réacteurs nucléaires.
  • le développement rapide des énergies renouvelables : éolien ; optimisation de l’hydraulique existant et développement de la
    très petite hydraulique ; photovoltaïque ; solaire thermique ; biomasse ; et de nouvelles normes imposant le développement de
    la cogénération en aval de toute production thermique d’électricité …
  • le recours provisoire aux énergies fossiles pour produire de l’électricité tant que les économies d’énergie et les énergies
    renouvelables n’ont pas atteint leur plein potentiel.

Ce scénario, sans doute contestable parce qu’il se contente d’adapter la société capitaliste à la sortie du nucléaire, a
toutefois l’avantage de démontrer qu’en France et en cinq ans il est possible, si la volonté politique existe, de sortir du nucléaire.

De plus, pour Alternative libertaire, tout scénario de sortie du nucléaire doit intégrer une dimension essentielle, celle de la
reconversion de l’industrie nucléaire et de ses sous-traitants, c’est-à-dire un plan complet de formation, d’investissements dans
les énergies renouvelables et de création d’emploi pour que les travailleurs du nucléaires ne soient pas les victimes collatérales
des politiques décidées par les capitalistes. Cette reconversion écologique dans les énergies renouvelables et dans les
économies d’énergies sera financée en ponctionnant sur les immenses profits réalisés par le secteur nucléaire.

Dans le cadre de cette avancée importante qui permettra d’obtenir une sortie rapide du nucléaire, le mouvement social et
écologiste ne devra pas s’arrêter en si bon chemin. S’il y a eu remise en route de centrales thermiques pour sortir rapidement du
nucléaire il sera nécessaire que le plus rapidement possible les conditions soient créées pour un arrêt définitif de cette
production de gaz à effet de serre. La logique d’économie d’énergie, et de développement des énergies renouvelables devra
s’accélérer.

Ensuite, il sera possible de pousser beaucoup plus loin la réflexion et favoriser l’émergence d’une autre logique
énergétique, économique et sociale : redéfinition de l’économie pour qu’elle soit d’abord organisée autour des besoins
humains, santé, alimentation saine, logement, éducation, culture… Il s’agit d’arrêter la fuite en avant vers toujours plus de
consommation, produire des biens durables, bannir le prêt-à-jeter, les emballages pléthoriques, bref redéfinir la consommation
énergétique en fonction des besoins réels et non plus en fonction de l’impératif de maximisation des profits.

Conclusion

Nous nous battons contre le nucléaire à cause de sa dangerosité, mais aussi parce que le modèle énergétique du nucléaire
est en complet désaccord avec le projet de société que nous défendons.

La sortie du nucléaire est donc aussi un outil pour remettre en cause l’ordre capitaliste, pourvu que le mouvement social ne
se satisfasse pas de ce que les capitalistes lui concèderont, c’est à dire la logique du « capitalisme vert ». Car une baisse
importante et rapide de la consommation énergétique impliquera des ruptures avec la logique productiviste et portera en elle-même
une mutation de l’industrie et une remise en cause des fondements de la logique productiviste et capitaliste.

Le secteur des transports est le principal émetteur de gaz à effet de serres (26,5% en France et en 2003 selon le Centre
interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique) et cette proportion ne fait que s’accroître d’année en
année, avec l’explosion des échanges liée à la mondialisation capitaliste. Il n’y aura pas de solution à la crise énergétique
sans remise en cause de la division internationale du travail, relocalisation des productions et souveraineté économique des
différentes régions du monde : bien sûr, il ne s’agit pas de prôner une logique d’autarcie, mais celle d’une capacité de
développement autonome.

La nécessaire révolution dans les modes de production et de consommation ne peut donc s’entendre que différenciée selon
les régions du monde. Pour schématiser : il faut que les « riches » consomment moins pour que les « pauvres » vivent mieux.

Cela implique une redéfinition :

  • de la finalité de la production, organisée uniquement pour satisfaire les besoins de l’humanité ;
  • de la meilleure utilisation possible des innovations technologiques, pour éliminer la plus grande partie de la pollution, de la
    généralisation du recyclage, de la production de biens matériels qui ne seront plus conçus pour tomber en panne après quelques
    années ;
  • du mode de transport (automobile, transport collectif, route, rail, aérien) ;
  • de la place des emballages, de la publicité...

Au total nous visons une baisse drastique de la consommation de produits matériels et un enrichissement de la vie sociale
et culturelle, un développement des relations sociales, de la culture, de l’art, de la connaissance … Et nous savons qu’un tel
processus n’est pas concevable au sein d’une société inégalitaire, et qu’ainsi le combat écologique est inséparable d’un combat
anticapitaliste.

 
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