Venezuela : Syndicalisme autonome ou domestiqué par l’État ?




Le chavisme a étouffé l’expression autonome des mouvements sociaux, contraints d’aligner leurs agenda sur celui du gouvernement. Si la contestation sociale déborde aujourd’hui de ces cadres, une véritable culture d’indépendance reste à bâtir.

En 2003, pour concurrencer la Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), inféodée au patronat, l’État a aidé au lancement de ­l’Union nationale des travailleurs (UNT)… créant une nouvelle bureaucratie à ses ordres. Des poches de dissidence existent cependant au sein de l’UNT, comme le Courant classiste, unitaire, révolutionnaire et autonome (C-CURA). Celui-ci est notamment actif au sein de la puissante fédération des travailleurs du pétrole (FUTPV) – 67 000 syndiqué.es sur
les 108 000 salarié.es de PDVSA, la grande entreprise pétrolière du pays. Dans une récente interview à Quintodia.net, José Bodas, secrétaire de la FUTPV, a estimé que « la bureaucratie syndicale et la technocratie de PDVSA se défendent mutuellement afin de maintenir leurs privilèges respectifs. […] Avoir des responsables syndicaux qui sont aussi membres de la direction de PDVSA n’aide pas. […] Notre courant C-CURA appelle à constituer des comités de base et à exiger des négociations collectives ainsi que l’organisation d’élections au sein de la FUTPV et des syndicats de base. »

Au-delà de la C-CURA, plusieurs syndicats de base maintiennent une pratique de classe ; ceux-ci appelaient par exemple à la grève générale les 26 et 27 août, pour l’obtention d’un salaire minimum décent, pour les droits à la santé et l’éducation ­gratuites, et pour que le pétrole ­redevienne « 100% vénézuélien ». S’il est avéré que certains arrêts de travail sont en fait téléguidés par les forces patronales et réactionnaires, il serait absurde de généraliser comme l’a fait Maduro lorsqu’en mai 2013 il a traité les syndicalistes en lutte de ­l’aciérie nationalisée Sidor de « voyous » et d’« anarcho-syndicalistes » !

On ne peut qu’adhérer à ce qu’expliquait à l’automne 2016 le sociologue uruguayen Raúl Zibechi dans la revue de la CGT espagnole Libre Pensamiento : « Ceux qui comme nous pensent que ce sont les mouvements sociaux de base qui transforment les réalités, et pas les gouvernements, doivent miser sur la fin de l’hégémonie du bolivarisme pour la simple raison qu’elle empêche l’émergence d’identités politiques différentes que celles dictées par la polarisation chavisme-antichavisme. » Zibechi appelait, de façon plus générale, à la « restauration complète de l’autonomie et de la belligérance des mouvements sociaux [...] en fonctionnant de manière autogérée, en rejetant les médiations et sans placer nos luttes sur la voie électorale, en refusant d’être les marchepieds d’un parti politique ».

Abobora (AL 31)

 
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