Nucléaire : Les antinucléaires redoublent d’énergie




L’industrie du nucléaire est en difficulté à l’échelle mondiale depuis Fukushima. En France, de l’extraction de l’uranium à son enfouissement en passant par la construction des centrales, leur mise à jour et leur contrôle, tout est critiquable. Et la contestation prend un nouvel essor. Rendez-vous à Flamanville le 1er octobre !

Les différents acteurs de la filière nucléaire française traversent une mauvaise période. Areva est en effet au cœur de la tourmente avec son procès sur l’attribution incompréhensible d’un gisement d’uranium épuisé, mais aussi plus récemment avec les révélations sur les malfaçons dans la construction et la validation de 128 pièces de réacteurs en activité en France.

L’Agence de sécurité du nucléaire (ASN), qui doit contrôler la filière, s’est compromise en demandant des rapports fondés sur la confiance aux principaux acteurs, Areva et EDF, qui avaient truqué les anciens rapports.

Un projet à 100 milliards pour pérenniser les centrales

EDF patauge de son côté avec ses nouveaux réacteurs EPR en Finlande et en France (Flamanville), et est au bord de la faillite. Malgré ces échecs, l’entreprise poursuit sa course folle en annonçant la production de deux nouveaux EPR en Angleterre, projet qui lui a coûté la démission de deux administrateurs de l’entreprise. Dans un souci de pérennisation de son parc de quarante ans à soixante ans, EDF a lancé le « grand carénage ». Un projet de 100 milliards d’euros très dangereux dans sa mise en application, comme en atteste l’accident de la centrale de Paluel où un générateur de vapeur est tombé durant son remplacement. La pièce pesant quelques 450 tonnes est tombée à quelque mètre de la piscine de stockage des combustibles, et en a fissuré la dalle. Et pour finir, l’enfouissement des déchets à Bure constitue le sommet de l’échec de la filière, un projet pour faire oublier les déchets, les cacher, tout ceci dans la plus grande illégalité.

Finalement, la fuite en avant du nucléaire ne se poursuit que par raison d’État. Dans le projet de croissance verte, le nucléaire émet peu de carbone et deviens donc énergie propre ! Militairement, la dissuasion est toujours un concept indéboulonnable de la défense du territoire. Économiquement, le pays est leader dans cette industrie et ne peut pas se permettre d’abandonner malgré la faillite du modèle.


Tous à Flamanville
les 1er et 2 octobre 2016
pour demander l’arrêt du nucléaire en France


Pour exemple de la mauvaise foi de l’État, la centrale de Fessenheim, qui devait être fermée durant le mandat de Hollande, ne le sera qu’à partir du moment où l’EPR ouvrira. Donc aucune intention de réduire la part du nucléaire dans l’énergie produite, d’autant que la vieille centrale comporte une des pièces défectueuses d’Areva, un générateur de vapeur. Pendant ce temps EDF pousse pour la remettre à niveau et prolonger sa durée de vie à soixante ans. Projet qui devrait coûter des milliards, sans compter les danger du grand carénage. Au vu de ces renseignements le collectif Stop Fessenheim pousse pour que le réacteur n° 2, qui est actuellement fermé pour rechargement du combustible, ne rouvre jamais.

Le projet de l’EPR d’Hincker Point en Grande-Bretagne plonge EDF dans la crise.
Centrale du Trillo (Espagne). cc Tony Madrid

La contestation touche aussi la construction de l’EPR. L’interminable chantier est émaillé de malfaçons comme le béton mal coulé des enceintes de confinement ou le couvercle du réacteur qui est non conforme aux normes. À cela s’ajoute les conditions de travail illégal qui ont été révélées pour 450 ouvriers qui habitent dans des camping insalubres, et dont les horaires dépassent les temps légaux de travail. En tout, le chantier coûtera quatre fois plus cher que prévu initialement, et son achèvement est incertain. L’EPR pose aussi le problème d’être un réacteur très puissant, sa production sera orientée vers la vente à l’international.

Comme signe d’abdication devant l’énormité des déchets produits, l’État tente de construire le puits de Bure pour enfouir tout cela à 500 mètres de profondeur, bel enterrement pour une pollution qui durera des dizaines de milliers d’années. L’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), qui gère le projet dispose de moyens quasi illimités pour corrompre les élus et la population, au bout de vingt ans le projet entre désormais dans sa phase finale. Comptant sur une capacité de mobilisation faible au niveau local (sept habitants au km2), l’Andra s’est imposée sans même prendre les précautions basiques comme un permis de construire. Pas plus qu’elle ne s’est émue de la contestation à l’encontre du site choisi. Aussi la rébellion se montre d’autant plus cinglante qu’elle est devenue nationale.

Occupation et zadification

La lutte est également ancrée dans le territoire, le site du bois Lejuc qui doit accueillir le puits est désormais considéré comme un « commun » au bénéfice des habitants qui le partagent, les agriculteurs, habitants, naturalistes se joignent à la résistance des antinucléaires. L’occupation du bois par les militants et militantes suivie de son expulsion, puis d’une tentative de réoccupation contre les milices de l’Andra, pose les bases d’un conflit très dur. À l’heure où cet article est écrit, le tribunal de grande instance local à suspendu la poursuite des travaux sur le site. Les 6 hectares de forêt qui ont été défrichés et le kilomètre de mur en béton qui a été construit doivent devenir légaux dans les six mois. Malgré la décision de justice, l’Andra poursuit les travaux.

Le puits d’enfouissement de Bure : un symbole de la capitulation de l’Etat devant le problème insoluble des déchets nucléaires.
cc Alex Hesse

La galaxie d’associations qui se mobilisent contre le nucléaire agit essentiellement au travers d’une argumentation technique sur le risque technologique, ou sur un refus local de populations atteintes par les projets. L’argumentation de l’État tient la route grâce à l’utilisation des moyens financiers et de la force. D’un point de vue global, la perspective d’un avenir meilleur est largement sapée par la promesse de l’État d’une croissance verte qui permettrait au capital de poursuivre sa course en recyclant son discours.

Il est donc nécessaire qu’un discours et une action libertaires se développent au travers de ces luttes. L’utilisation d’énergies alternatives ou leur absence d’utilisation ne peut se faire que par un contrôle des populations concernées qui ne produiront qu’en fonction de leurs besoins, et non pas dans une logique d’accumulation et de consommation. Ainsi des syndicats qui commencent à douter de la faisabilité d’un EPR ou de sa sécurité seraient peut-être prêts à dire que le nucléaire n’est plus une solution. Dans une autre approche, où les syndicats sont absents, c’est la lutte locale qui primera, comme à Bure. La zadification du site doit être aidée par toutes les forces disponibles, ce sera une activité d’implantation qui déterminera les courants de la lutte et la nature de la contestation.

Allons à Flamanville les 1er et 2 octobre comme à Bure pendant les années à venir, l’industrie du nucléaire est fragile et une action forte sera déterminante !

Reinette noyée (AL nomade)

 
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