Palestine : Un strapontin à l’Onu




Le 30 novembre dernier, 138 pays ont voté pour que la Palestine soit élevée au rang de pays observateur à l’Onu. Loin de reconnaitre la légitimité de la population palestinienne dans son conflit avec l’État d’Israël, ce vote entérine le refus de la communauté internationale de se poser les vraies questions.

L’incroyable impunité dont jouissent les dirigeants israéliens et la solidarité sans faille qu’ils obtiennent sans difficulté de la part des États-Unis et de l’Union européenne expliquent la fuite en avant coloniale à laquelle on assiste. Les puissances occidentales ont bloqué en 2011 l’entrée de la Palestine à l’Onu comme État membre. Cela a été immédiatement interprété par Netanyahou comme un feu vert à de nouvelles agressions, d’où la relance de la colonisation, l’attaque contre Gaza en novembre 2012 et les menaces incessantes contre l’Iran.

Israël coupable d’apartheid

Le gouvernement israélien dit clairement qu’il ne rendra pas le moindre territoire, qu’il n’y aura pas d’État palestinien et qu’il n’annexera pas formellement la Cisjordanie afin d’éviter de donner à terme une forme de citoyenneté à ses habitants. En 2011, le Tribunal Russell [1] jugeait l’État d’Israël coupable des crimes d’apartheid et de sociocide, donnant ainsi une base juridique à la campagne Boycott, désinvestissement, sanctions (BDS) lancée dès 2005 par 172 associations palestiniennes.
Entre Méditerranée et Jourdain, près de 50 % de la population est palestinienne. Mais l’occupant a fragmenté la Palestine en de nombreuses entités subissant des formes variées de discrimination et d’oppression. La Cisjordanie est elle-même divisée en trois zones étanches où les colonies encerclent les grandes villes palestiniennes. Gaza, soumis à un blocus criminel, est devenu un véritable laboratoire à ciel ouvert où l’occupant se permet impunément des agressions meurtrières (1 400 morts en décembre 2008, 175 morts en novembre dernier). Jérusalem-Est soumis à une judaïsation accélérée et à des destructions incessantes de maisons. Les Palestiniens et Palestiniennes d’Israël (20 % de la population) connaissent dans « l’État juif » pauvreté, chômage et discriminations au travail et à la propriété agraire. Parmi eux, les Bédouins du Néguev sont expulsés et leurs villages sont détruits. Et enfin, bien sûr, il y a les réfugié-e-s. Quatre millions et demi de Palestiniens ont la carte de l’UNRWA, le programme de l’Organisation des nations unies pour l’aide aux réfugiés, et vivent dans 59 camps en Palestine, Jordanie, Syrie ou Liban.

Aucune sanction prise contre Israël

Le vote des 138 pays donnant à la Palestine le statut d’État observateur à l’Onu montre à l’évidence l’impopularité de l’État voyou Israël. Hormis les 41 abstentions, seulement neuf pays ont voté contre le fait que la Palestine ait le même statut que le Vatican. Parmi ceux-là : Israël, les États-Unis, le Canada. Même les pays de l’Union européenne, si prompts à redorer leurs relations économiques avec Israël, se sont abstenus – Grande-Bretagne, Allemagne… – ou ont voté pour. Hollande a accepté de voter pour à la condition qu’Abbas ne porte pas plainte contre Israël auprès de la Cour pénale internationale (CPI). Ce vote pourrait signifier que pour l’Onu, l’institutionnalisation du statu quo actuel n’est pas viable. Mais l’Onu n’a pas de plan B. Immédiatement, le gouvernement israélien a pris des mesures de rétorsion : construction de plusieurs milliers de nouveaux appartements dans les colonies de Cisjordanie, vol de la TVA due à l’Autorité palestinienne, violentes incursions. Comme cela s’est toujours passé depuis des décennies, l’Onu n’a pris aucune sanction et n’a pas eu un mot de réprobation, annulant ainsi la force symbolique du vote qui venait de se dérouler.

Le PUZZLE des Nations unies

L’Autorité palestinienne illégitime

Comme à l’époque des accords d’Oslo en 1993, la communauté internationale refuse de poser les vraies questions : la reconnaissance du crime fondateur (l’expulsion de 1948), l’occupation, les colonies, l’inégalité flagrante, les prisonniers, le droit au retour des réfugiés et l’apartheid. Si Oslo a été une grande illusion et une sinistre farce, c’est parce qu’aucune de ces questions n’a été posée. Les seuls textes signés à Oslo portaient sur la sécurité de l’occupant ! Aujourd’hui, c’est pire : le gouvernement israélien ne veut pas négocier car il sait qu’il ne sera pas sanctionné. De plus, le vote de l’Onu remet en selle une Autorité palestinienne bien discréditée et n’ayant plus aucune légitimité, le mandat de Mahmoud Abbas s’étant achevé depuis longtemps, et les Palestiniens de Gaza, de Jérusalem ou d’Israël n’étant pas représentés. Pour les réfugié-e-s, la période n’ouvre aucun espoir. Ils savent que l’Autorité palestinienne est prête à les sacrifier alors que le droit au retour a été reconnu par l’Onu dès 1949. Au final, le vote de l’Onu entérine la fragmentation de la Cisjordanie.

Des mouvements de solidarité confus

En France, un Collectif national pour la Palestine regroupe un spectre très large de partis, syndicats et associations. Un courant majoritaire, comprenant les directions du PC, de l’AFPS [2], du Mrap, de la LDH [3] et de la FSU, reste figé sur l’idée « deux peuples, deux États », comme si la frontière internationalement reconnue n’avait pas disparu. Il s’oppose au BDS demandé par l’appel palestinien de 2005 en lui préférant un boycott des seuls produits des territoires occupés. Il est prêt à abandonner le droit au retour des réfugiés. Il surévalue totalement le vote de l’Onu et considère l’Autorité palestinienne comme seule représentante du peuple palestinien. Une partie de ce courant va plus loin en s’opposant à tout mot d’ordre de soutien à la résistance palestinienne et à toute remise en cause de la « légitimité d’Israël » ! Le Forum social mondial pour la Palestine, qui s’est tenu à Porto Alegre en novembre 2012, pointe les revendications essentielles : fin de l’occupation et de la colonisation, égalité des droits, droit au retour des réfugiés. Le vote de l’Onu est signalé mais n’a rien de central et l’accent est mis sur le BDS. Un hommage appuyé fut rendu aux anticolonialistes israéliens et aux Juifs antisionistes. Le sionisme ne reculera que s’il y est forcé. Tant que l’impunité d’Israël perdurera, tant que les dirigeants de ce pays n’auront pas à répondre de leurs actes, tant que ce pays ne subira pas le type de pression que l’Afrique du Sud blanche a subi, il ne se passera rien. Imaginer un compromis acceptable piloté par l’Onu avec la direction sioniste est un dangereux mirage.

Pierre Stambul (Union juive française pour la paix et ami d’AL)

[1Le Tribunal Russell, aussi désigné par Tribunal international des crimes de guerre et Tribunal Russell-Sartre, était un tribunal d’opinion fondé par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre en novembre 1966

[2Association France Palestine solidarité

[3Ligues des Droits de l’homme

 
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