Paris 2024 : Les Jeux sont faits, rien ne va plus




Le 13 septembre prochain, le Comité international olympique (CIO) décidera de l’attribution des prochains Jeux olympiques pour les années 2024 et 2028. Le suspense autour de cette attribution est plutôt mince, Paris restant la seule candidate en lice depuis que Los Angeles a décidé d’attendre quatre ans de plus. Avant l’officialisation de cette « victoire », petit tour de la question olympique.

La grande messe du sport olympique devrait se tenir dans sept ans dans la capitale française et sa banlieue. La ville et la région ont-elles les moyens de tenir ce grand raout ? On serait tenté de répondre par la négative. Selon ses défenseurs, les Jeux olympiques seront une opération financière particulièrement intéressante pour Paris dont on nous vante les 95 % d’installations sportives déjà construites. Ces enceintes subiront malgré tout des travaux de modernisation jugées nécessaires pour pouvoir organiser l’événement (comme ont pu le constater les villes ayant accueilli l’Euro de football de 2016).

Coût final : 12 à 15 milliards

Concernant le budget prévisionnel, il est pour le moment de 6,2 milliards d’euros. À ces chiffres, il est bon comparer les coûts de construction usuellement constatés pour d’autres équipements publics : celui d’une école primaire de 10 classes est de 30 millions, celui d’un centre hospitalier universitaire régional est de 400 millions. Enfin, le budget annuel de la Ville de Paris pour l’année 2015 était de 5,3 milliards d’euros. Le montant exigé pour un événement d’un mois est déjà vertigineux mais c’est encore sans compter les dérives constatées pour ce type d’événements. Paris n’ayant aucune raison d’échapper à cette règle, le coût final des Jeux devrait plutôt se monter à 12 ou 15 milliards.

Les Jeux olympiques sont souvent vus comme un moyen de « revitaliser » des quartiers. Derrière ce mot se cache le plus souvent des destructions d’habitats sociaux ou historiquement délaissés. Si l’exemple de Pékin détruisant ses hutong historiques avait en son temps choqué, Londres et Rio n’ont pas fait exception. L’ancien quartier nord-est de Londres est devenu la proie des promoteurs. Quand à Rio, on ne compte plus les cas de quartiers simplement rayés de la carte ou de personnes expropriées, qu’elles occupent un habitat informel (favelas) ou une habitation cadastrée en bonne et due forme. Pour Paris, les promoteurs lorgnent du côté de la Seine-Saint-Denis, dernière zone limitrophe populaire de la capitale.

Là encore, les exemples de tromperies ne manquent pas et les populations sont toujours les dernières servies. Pour Rio, la voie de l’expropriation a systématiquement été préférée à l’urbanisation des zones rasées, créant de fait d’énormes déplacements de population.

Le mécanisme pour obtenir ces résultats est désormais bien rôdé. Dans un premier temps, on minimise les coûts de construction et on maximise les retombées escomptées. Pendant l’organisation, de nouveaux coûts prioritaires sont divulgués (sécurité, complexité mal énoncée, compléments non pris en compte) qui, le budget n’étant pas infini, doivent être assumés en priorité. Une fois l’événement passé, on constate que les Jeux ont finalement coûté fort cher et on arrête tout, laissant en plan les infrastructures sociales promises et rarement achevées.

Des lois d’exception pour encadrer les populations

À l’instar des autres grands rassemblements internationaux (G20, sommets mondiaux, Euros de football), les comités d’organisation imposent des modifications législatives favorables aux grands sponsors et défavorables aux populations vivant sur le territoire concerné. Parmi les exemples les plus frappants, on peut souligner la possibilité de vendre de l’alcool au sein des infrastructures ; une possibilité la plupart du temps interdite pour toutes les compétitions nationales.

L’autre grand pan des lois d’exception concerne la prévention des « débordements ». Ce cas est plus subtil car les comités d’organisation s’appuient sur des lois existantes. Dans le cas de Londres par exemple, les lois antiterroristes (rehaussées en 2001 et 2005 suite aux attentats) fournissaient déjà une base relativement solide que le CIO a simplement étendue aux enceintes sportives et alentours. Pour Rio, les mouvements sociaux s’opposant aux Jeux ont été sévèrement réprimés par plusieurs corps armés (police, militaires, milices commerçantes) mis en place pour l’événement et peu inquiétés en cas de dérives.

Est-il encore possible aujourd’hui de soutenir le mouvement olympique et sportif mondial ? Rien n’est moins sûr. En forçant le regroupement des 15 000 athlètes sous la bannière des nations, le mouvement olympique propose déjà une lecture du sport placée sous le signe des frontières (nationalisme). Ce faisant, le CIO ne fait rien pour limiter une lecture xénophobe à tendance raciste des épreuves.

Après la ségrégation nationale vient la ségrégation sexuée. Depuis, 1992, le CIO élague une à une les épreuves mixtes, ne laissant que le tennis où hommes et femmes disposent encore d’une épreuve en double mixte. Et encore ne s’agit-il là que de la défense d’une tradition plus que d’un combat d’égalité.

Cette séparation quasi systématique maintient une vision centrée autour du corps masculin. Dans une vision patriarcale de la compétition sont désormais organisés de manière systématique des tests de féminité pour toutes les athlètes inscrites dans les catégories femmes qui présentent des performances proches de celles des hommes. Cette pratique, comme dans le cas de l’athlète intersexe Caster Semenya, n’est que le plus récent exemple d’une longue série visant à démontrer la supériorité des hommes sur les femmes dont on nous vante, à longueur d’épreuves la plus grande masse musculaire (sans en expliquer les causes) ou l’« agressivité » nécessaire au dépassement de soi.

Pour toutes ces raisons, le CIO a désormais bien du mal à convaincre du bien-fondé de sa démarche. Désormais, seules quelques villes s’engagent et, à l’exception de l’aveuglement parisien, toutes ont finalement renoncé, parfois sous la pression populaire (comme à Budapest ou Boston). Détail intéressant, chaque fois qu’un référendum sur l’organisation des Jeux a été soumis à la population, ils ont été refusés. Anne Hidalgo a balayé cette possibilité d’un revers de la main lors de son interview du 14 Juillet, estimant le sujet « trop important » pour être tranché par référendum.

Un même dédain fut observé sur la question de la maîtrise des coûts, pourtant loin d’être anodine. Un moyen simple de répondre à cette problématique consisterait pourtant à construire tous les logements, équipements publics, lignes de transport promis par les pouvoirs publics au comité d’organisation, sans s’embarrasser de savoir qui est le meilleur au 100 mètres ou au pentathlon. Cette idée simple et pleine de bon sens a malheureusement échappé aux décideurs.

Nico (AL Paris-Nord-Est)

 
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