Pimkie, PSA, IBM : Peinard, la DRH, avec la rupture conventionnelle collective




Sabrer dans les effectifs en s’exonérant d’un trop coûteux plan de licenciements ? C’est possible, grâce à la « rupture conventionnelle collective » créée par les ordonnances Macron de 2017. Patrons et DRH n’ont pas tardé à s’en emparer. Un décryptage et trois exemples parlants.

Applicable depuis le 23 décembre 2017, une rupture conventionnelle collective (RCC) peut voir le jour exclusivement à l’initiative de la direction, contrairement à la rupture conventionnelle ­individuelle, mais n’est pas obligatoirement motivée par des difficultés économiques, contrairement à un plan de licenciement classique – « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) en novlangue disruptive.

Avec une RCC, plus besoin de favoriser un reclassement interne des salarié.es des unités ou services visés par les réductions d’effectifs, plus besoin de proposer des aménagements du temps de travail ou des réorganisations pour tenter de minimiser les départs, plus d’obligation de formation, plus de droit de regard du comité d’entreprise sur l’ampleur des licenciements site par site… Surtout, cynisme absolu, il est possible de réembaucher tout de suite derrière. Pénicaud a vraiment pensé à la santé de ses ex-confrères DRH en leur simplifiant le travail !

La rupture conventionnelle collective, c’est la top tendance 2018 pour les DRH de la « start-up nation ». Le premier semestre 2018 en a déjà enregistré plusieurs. Scrutons-en trois.

Pimkie s’y prend à trois fois

Cette chaîne de magasins de vêtements (famille Mulliez) est la première entreprise à dégainer, le 8 janvier 2018, avec une RCC de 208 suppressions d’emplois (37 magasins fermés en France sur 321).

Bonne réaction des syndicats qui ont refusé ce plan (CGT, FO et même la CFDT).

Réplique de Mulliez : un « plan de départ volontaire » (PDV), signé par FO et la CGC, avec 83 emplois supprimés dans les magasins fermés et des mutations obligatoires de 125 personnes du siège ou de la logistique. Le PDV ayant lui aussi été refusé par les autres syndicats, Pimkie a annoncé un plan de licenciements encore pire pour les salarié.es. Bref, rien de facultatif dans la RCC, ni rien de volontaire dans les PDV…

PSA comme sur des roulements à billes

Le constructeur automobile, qui se porte très bien (1,9 mil­liard d’euros de bénéfice en 2017, +11,5 %) a communiqué son projet de RCC dès le 9 janvier. Celle-ci devait concerner 1 300 postes en plus de 900 préretraites, soit 2 200 suppressions au total.

Pour profiter à plein des ­nouvelles fonctionnalités de la RCC, PSA annonce tout de go qu’il y aura, dans la foulée, 1 300 embauches et l’entrée de 2 000 jeunes en alternance. Splendide outil d’ajustement de RH pour faire baisser la masse salariale en embauchant du personnel sans ancienneté et casser la contestation en virant les ouvrières et ouvriers plus expérimenté.es !

Seule la CGT a refusé cette RCC ; les autres syndicats (FO, CGC, CFDT, CFTC et GSEA, représentant 79 % des salarié.es) l’ont signée dix jours après l’annonce officielle. Elle sera la première RCC d’une longue liste…

IBM, le bonneteau des salarié.es

Cette florissante société d’informatique (plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires, +25 % en 2016), habituée des PSE et des plans de départs en préretraite, a annoncé sa première RCC le 8 février, visant 99 salarié.es.

Cette fois-ci plus d’argument économique (pourquoi se fatiguer ?) mais juste un changement de stratégie RH : sabrer un peu dans tous les services pour ensuite renforcer le département intelligence artificielle et sécurité informatique, sans avoir à opérer de reclassements internes.

Cette RCC a été signée le 21 février par la CFTC, l’Unsa et la CGC, et refusée par la CGT et la CFDT. Mi-mars, les 99 départs ont trouvé chômeurs… pardon, preneurs.

En janvier, un sondage OpinionWay/La Tribune auprès du patronat donnait 62 % de soutien à ce dispositif, 77 % avouant que la RCC servirait à ajuster les effectifs à court terme, facilitant la vie des RH… N’oublions pas que la loi Travail facilite les licenciements économiques en cas de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires. Cependant, il faut encore justifier de deux à quatre trimestres de baisse, selon la taille de l’entreprise.

Plus besoin de justification économique

Grâce à la RCC (quelle joie  !), plus besoin de maquiller les activités réelles, plus besoin d’avoir à transférer des fonds à l’extérieur ou d’« optimiser » les comptes pour pouvoir licencier. A n’en pas douter, c’est cette anxiété qui pesait sur l’économie capitaliste. Camarades, salarié.es des cabinets d’optimisation fiscale, et donc futur.es chômeuses et chômeurs, rejoignez-nous !

Dans tous les cas, avec ou sans RCC, le massacre social continuera… tant que nous ne prendrons pas nos affaires en main.

Paul Bismuth (AL Orléans)


Des conditions en deçà d’un plan social classique

Les salarié.es ciblé.es doivent remplir des conditions. A IBM, ils et elles devaient appartenir à une unité où des suppressions de postes étaient prévues, être à plus de deux ans de la retraite et avoir un « projet pour le futur » – 300 heures de formation suffisaient à justifier de cela.

Les salarié.es doivent être volontaires. La RH ne peut les désigner. La RCC doit contenir une période de rétractation en cas d’accord  : cinq jours chez IBM par exemple.

Un plafond de départs doit être prévu, mais pas de plancher. Si par exemple l’accord de RCC prévoit un maximum de 100 départs, mais qu’il n’y a que 50 volontaires, le patron qui voudrait tout de même virer 100 personnes sera obligé de procéder à un PSE, plus coûteux pour lui.

La signature des syndicats représentant la majorité des salarié.es est nécessaire. Faute d’un accord majoritaire sur leur projet de RCC, Pimkie et CWT Wagonlit ont dû se rabattre sur un plan de sauvegarde de l’emploi.

Les indemnités de départ ne peuvent être inférieures aux indemnités de licenciement légales. C’est-à-dire qu’elles ne peuvent pas être inférieures à 25 % du salaire mensuel par année de présence pour les 10 premières années et à 33 %
pour les années supplémentaires.

Des mesures supralégales sont possibles. L’accord peut prévoir des modalités supérieures au minimum légal : indemnités supplémentaires, dispense provisoire de chercher un emploi… Chez IBM par exemple, 6 à 8 mois de « congé de mobilité » sont payés (entre 65 % et 100 %) par l’entreprise aux licencié.es, et éventuellement de 8 000 à 15 000 euros d’aide à la formation.

Des garanties moindres pour le futur chômeur. Contrairement à un PSE, les salarié.es ne seront pas prioritaires pour la réembauche, n’auront pas droit à un contrat de sécurisation de l’emploi (suivi par Pôle emploi) ni à un congé de reclassement.

Validation par l’Inspection du travail (Direccte). La Direccte doit valider les modalités de la RCC et notamment les cas de salarié.es « protégé.es » – élu.es du personnel, notamment.

 
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