11e congrès d’AL (Toulouse, 2012)

Placer l’écologie au cœur du projet communiste libertaire




Non seulement la crise écologique met en cause tous les grands équilibres de la planète – dérèglements climatiques, pollutions chimiques et radioactives qui pèsent sur la biodiversité, etc., – mais ses conséquences probables vont être dramatiques pour l’humanité elle-même : risques cruciaux de crises alimentaires, risques sanitaires pour les générations futures, migrations forcées de populations, etc.

Face à cette crise les luttes de défense de l’environnement au sens large ne sont pas à la hauteur. Même si lutter contre une centrale nucléaire, contre une industrie qui pollue l’environnement, contre la construction d’une autoroute ou d’un aéroport supplémentaire est légitime et nécessaire, le cumul de ces luttes ponctuelles n’apporte pas de réelle solution à la crise écologique. A ce jour on assiste simplement à un mouvement de délocalisation des industries polluantes et au développement d’un capitalisme vert dont la seule motivation est de créer de nouvelles opportunités de profits pour les capitalistes.

Une conception de l’écologie limitée à la défense de l’environnement ne fera guère que ralentir la destruction de la planète. Les activités humaines doivent être totalement réorientées. Dans son congrès d’Agen en 2006, Alternative libertaire affirmait à juste titre : « face au défit écologique, trois révolutions sont nécessaires » – révolution dans le commerce international, révolution dans les modes de consommation, révolution dans les modes de production.

Nous savons qu’au sein de la société capitaliste, aucune avancée significative dans ces indispensables transformations des sociétés humaines ne sera possible. Les inégalités sociales sont en fait à la racine de ces sociétés humaines destructrices de la planète. C’est pourquoi l’anticapitalisme est indissociable de la lutte écologiste. Bien entendu nous parlons d’un anticapitalisme qui ne vise pas un simple changement à la tête de l’État, tel celui des partis staliniens qui ont bâti dans les anciens pays dits « communistes » un capitalisme d’État encore plus destructeur pour l’environnement. Nous parlons d’une remise en cause profonde du capitalisme par l’autogestion généralisée de l’économie et de la société.

Celle-ci doit nous pousser à revoir complètement le modèle d’organisation sociale. Il s’agit de redimensionner le développement des sociétés humaines pour permettre une adéquation entre les capacités productives et les besoins locaux. Plusieurs réflexions sont à mener pour ne pas se satisfaire de simples critiques de pure forme mais questionner le pseudo confort dans lequel le système capitaliste nous installe. Loin d’adapter offre et demande par tous types de mécanismes de contrôle tel que les marchés, il faut s’atteler à restaurer les liens directs entre producteurs/trices et consommateurs/trices et résoudre l’adéquation de la production au besoin social et sociétal.

Pour apporter une contribution significative à la lutte écologique Alternative libertaire doit :
 démontrer le lien entre les luttes contre la société inégalitaire et les luttes écologiques ;
 analyser en profondeur les contraintes et les mutations du capitalisme. L’analyse doit inclure aussi bien des considérations économiques et écologiques et que culturelles – le « capitalisme cognitif » –, le propre de ce système étant de transformer tous les aspects de la vie en marchandise ;
 porter les préoccupations écologiques dans l’ensemble du mouvement social : dans les luttes syndicales, pour le logement, pour la santé… Car nous savons que l’opposition qui peut survenir entre certaines luttes écologiques et, par exemple, certaines luttes pour l’emploi, est la conséquence d’une non-remise en cause des intérêts des capitalistes et pas d’une prise en compte des intérêts réels des travailleuses et des travailleurs. Il est fondamental de s’armer théoriquement pour porter une conception de l’écologie transversale à toutes les luttes sociales. Proposer des solutions clef en main n’est pas forcément du ressort d’une organisation politique, mais porter le débat au sein des organisations syndicales, quitte à pointer certaines contradictions, doit l’être. Il faut également œuvrer à radicaliser la conscience écologique qui se développe sur fond de capitalisme vert, en dehors de tout sectarisme. C’est une condition indispensable pour construire une intervention de masse ;
 décrire et faire connaître les alternatives en actes même imparfaites (scop, amap, etc.) en intégrant la dimension écologique dans la réflexion. Une entreprise autogérée pourra limiter les conséquences sanitaires pour les travailleuses et travailleurs et celles pour l’environnement sans pour autant les supprimer. La dimension transversale de la réflexion est une priorité ;
 être actrice d’une révolution culturelle mettant à bas toute forme de consumérisme, prônant dès aujourd’hui des éléments de mode de vie et de travail alternatifs à ceux qu’impose la société capitaliste. En premier lieu, AL doit acquérir une véritable culture collective écologiste ;
 porter une réflexion sur la place de l’humanité sur la planète, dépendant physiquement et psychologiquement de ses rapports avec le reste du monde vivant et ne pouvant vivre durablement en se plaçant « en dehors » du monde vivant. Celle-ci n’a d’avenir qu’en tant qu’élément au sein du monde vivant et intégré dans un équilibre écologique retrouvé. Les débats sur l’empreinte de l’activité humaine ne fait que commencer. Le concept de décroissance, très en vogue dans les milieux écologistes, ne doit pas conduire à une alternative entre croissance et simplicité volontaire. Le principal écueil est l’absence d’articulation entre la théorie et la pratique. Ceci vient du fait qu’il n’y a plus à l’heure actuelle de réel mouvement écologique structuré au sein du mouvement libertaire. AL doit donner tout son sens à la remise en cause du productivisme et avancer en se basant sur ce qui existe déjà.

Le capitalisme, après avoir inventé le concept de développement durable qui affirme pouvoir concilier l’économie, la croissance, le social et l’environnement par l’utilisation de nouvelles technologies, veut poursuivre sa régénération, après sa phase néolibérale, via le développement de l’économie verte. En effet, à la conférence Rio+20, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) a introduit la marchandisation globale de la nature. Elle prétend donner une valeur marchande à tout environnement matériel ou immatériel. Lors de cette conférence, l’incapacité du concept de développement durable à résoudre les contradictions du capitalisme a été actée. Pour lancer un nouveau cycle de croissance il est question d’étendre la logique du marché du droit à polluer en attribuant une valeur au vivant et au monde minéral avec un système de compensation aux destructions de la nature. Il faut appréhender ce nouveau combat et l’organiser.

Pour avancer face à tous ces enjeux, Alternative libertaire se dote d’un plan de travail pour les deux ans à venir, dont la réalisation sera suivie par le nouveau secrétariat d’intervention Écologie – transformation de l’ancienne commission écologie – créé lors de ce congrès.

 
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