Politique de la ville : La mixité sociale, quel beau prétexte !




Lorsque l’on s’attache à déconstruire, non pas les immeubles, mais les discours des ministres et des maires, on s’aperçoit que démolitions et mixité sociale ne font pas du tout bon ménage. Car derrière cette noble cause de la mixité, bien des enjeux, beaucoup moins louables, se font jour.

Sous le gouvernement précédent, le couple Chirac-Borloo a lancé un plan de restructuration concernant, à l’échelle nationale, plusieurs dizaines de quartiers populaires. Et c’est ainsi que le mot est lancé : « rénovation urbaine », se déclinant dans chacune des villes au travers de l’appellation pompeuse et mégalomaniaque de GPV, Grand projet de ville. Cette idée pouvait apparaître généreuse, car il s’agit d’insuffler de la mixité sociale dans le paysage « criminogène » de ces quartiers sous « haute tension ». Cependant, la question du bâti ne peut résoudre à elle seule les misères sociales qui se sont développées depuis des décennies dans ces quartiers getthoïsés.

Faire disparaître ces « verrues » territoriales

Les politiciens locaux, en premier lieu les maires, se sont saisi avec satisfaction de la nouvelle manne pour faire disparaître ces « verrues » territoriales qui ternissent la réputation de leur ville. Alors on a fait appel aux cabinets d’urbanisme, très bien rémunérés, qui sont arrivés avec leurs concepts du XXIe siècle, tels que le maillage, la mixité sociale et la déconstruction, la résidentialité. Tout ceci est d’une banalité à toute épreuve et bien peu original.

Reprenons chacun de ces termes. Le maillage, tout d’abord. Il y a plus de cent ans, le baron Haussmann perçait de grands boulevards au travers de l’habitat populaire, sous couvert d’insalubrité, afin de désorganiser les solidarités et la résistance ouvrières. Les urbanistes d’aujourd’hui n’ont vraiment rien inventé de nouveau. Le maillage a donc pour vocation de « désenclaver » les quartiers : au Mirail on rajoute ainsi une rue au bout d’une autre, afin de faire passer du trafic à travers le quartier. C’est un projet sécuritaire qui permet à la police d’arriver sur les lieux plus rapidement. En outre, ces nouvelles artères qui séparent les bâtiments créent des « murs » entre habitantes et habitants.

La mixité sociale, ensuite, est devenue le leitmotiv de la déculpabilisation de nos élites institutionnelles. Cependant, que signifie détruire les immeubles dans lesquels on a logé les populations précarisées, en leur ayant quasiment interdit de résider ailleurs que dans ces mêmes quartiers d’habitat social ? Actuellement, on vire ces familles en les éloignant un peu plus des centres urbains et en les dispersant. Afin tout simplement de rendre la misère sociale invisible. Les volontés de rééquilibrage entre logement social et privé ne sont en rien rassurantes car sous couvert de « mixité » on construit surtout des petits collectifs destinés aux classes moyennes. En effet, en situation de pénurie de logements, une grande partie du logement social est concédé à l’organisme du 1 % patronal qui construira des logements, sociaux certes, mais réservés aux salarié-e-s des entreprises qui cotisent à cet organisme. Rappelons que le 1 % est géré quasi exclusivement par le Medef.

La résidentialité enfin, signifie que l’on entoure de grillage et de portail automatique ces nouveaux immeubles pour les classes moyennes, en favorisant ainsi un replis individualiste. Les habitant-e-s de ces logements sortirons en voiture pour aller travailler ou partir en week-end. Ils ne feront que traverser l’espace public grâce au maillage qui permettra d’en sortir au plus vite. Le projet architectural de ces nouvelles résidences est l’enfermement et l’entre soi des mêmes catégories sociales.

Qui en profite réellement ?

À qui profite donc le GPV ? Aux maires qui expliquent ainsi à leurs concitoyens bien pensants qu’ils sont en train de résoudre le problème des îlots de pauvreté. Mais aussi aux gouvernements successifs, qui se targuent de débloquer beaucoup d’argent contre la pauvreté et la délinquance. Au patronat du bâtiment qui engrange les profits. Au logement social géré par le Medef qui sélectionne des locataires solvables.

La boucle est bouclée, si ce n’est que les habitantes et habitants sont une fois de plus les dindons de la farce. Y a-t-il concertation avec eux et elles ? Dans la plupart des cas, il n’y a eu qu’une simple consultation par famille, afin de déterminer les besoins sur un autre logement, autre part. Le budget d’accompagnement social se réduit à peau de chagrin. Quant aux réunions publiques, elles sont convoquées une fois les projets déjà élaborés. Les pouvoirs publics y expliquent que le quartier va prendre un nouvel élan, qu’il sera attrayant et convivial. Oui, mais lorsque l’on décrypte le discours, le quartier sera vidé de ses habitantes et habitants actuel-le-s, puisque pour le construire il va falloir détruire les immeubles dans lesquels ils et elles vivent.

Jean-Marc (AL Toulouse)

 
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