politique

Présidentielle : Préparer la résistance dès maintenant




Que ce soit Le Pen, Fillon ou Macron qui soit élu président de la République à l’issue du prochain scrutin, une nouvelle offensive libérale et autoritaire va démarrer. Comment préparer très vite la contre-offensive ?

Fillon a été intronisé lors de la primaire comme le candidat de la vraie droite, celle des cathos réac de la Manif pour tous qui sont redescendus en nombre au Trocadéro pour soutenir sa candidature malgré les multiples affaires qui le rattrapent. Celle du « blitzkrieg » annoncé pour l’été 2017 s’il était élu : « Je ferais passer pendant tout l’été, sans interruption, que ce soit par ordonnances ou le 49.3, les réformes sur le Code du travail, la durée légale du travail, l’assurance chômage… » Celle qui compte supprimer 500 000 postes de fonctionnaires sur son mandat, et aligner leurs régimes sur ceux du privé. Fillon reste dans la course malgré les affaires, car il reste encore aux yeux de la droite le candidat le plus susceptible d’arriver au second tour et de gagner grâce au report des votes face à Le Pen. Pourtant rien n’est moins sûr…

Macron : un technocrate libéral

Le candidat le plus susceptible d’être élu à l’heure où ces lignes sont écrites est Macron. L’ex-banquier d’affaires essaie de se faire passer pour un homme neuf alors qu’il a été un des fers de lance de la déréglementation sous le gouvernement Hollande. Sous prétexte de modernité, il entend ainsi permettre aux jeunes de travailler plus de 35 heures ou aux vieux de partir à la retraite plus tôt, et « simplifier » les régimes de retraites. On sait bien ce qui se cache derrière cette novlangue : un alignement par le bas des régimes de retraites, avec quelques aménagements pour les métiers pénibles histoire de donner des arguments à ses soutiens, une déréglementation du temps de travail pour les jeunes (comme si un ou une salarié.e pouvait « choisir » de travailler plus ou moins quand son patron lui demande), etc. L’augmentation de salaire qu’il propose est à la fois ridicule (250 euros par an, soit 21 euros par mois) et repose sur la diminution des cotisations salariales, dont il faut rappeler qu’il s’agit de salaire différé servant à financer entre autres les retraites.

Côté « affaires », il doit faire profil bas, étant soupçonné d’avoir utilisé la fin de son mandat de ministre de l’Économie, et les moyens associés, pour préparer sa candidature. Il déclare un patrimoine raisonnable (pas de bien immobilier, pas de voiture, etc.) afin de se donner une image populaire, mais on est en droit de se demander où sont passés les 2,9 millions d’euros qu’il a engrangés entre 2009 et 2012 alors qu’il était banquier chez Rothschild.

Ses positions sur les questions sociétales sont très ambigües. Il a ainsi pris position en faveur de Merkel concernant l’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile en Europe, mais exige en même temps un renforcement des contrôles aux frontières de l’espace Schengen et le renvoi des migrants et migrantes n’étant pas éligibles à l’asile.

Bref, rien de bien nouveau sous le soleil. À la faveur de la crise du PS et des Républicains, Macron est un candidat technocrate comme il en a émergé dans d’autres pays comme ­l’Italie avec Renzi. Il ne fait aucun doute qu’il tentera s’il est élu de prolonger ses recettes libérales, telles que les lois Macron et la loi travail, cela avec le soutien du PS et d’une partie de la droite.

Le point commun au FN : le racisme

Côté Le Pen, tout dépend de l’auditoire à qui elle s’adresse. Les propositions plus sociales du FN, issues de Philippot afin de conquérir les classes populaires, sont de plus en plus contestées par les cadres du FN, fondamentalement libéraux, surtout depuis que les affaires Fillon leur ouvrent un boulevard électoral à droite. Ainsi, on trouve bien dans le programme du FN la baisse de 5 % du prix du gaz et de l’électricité, le maintien des 35 heures, la baisse des impôts sur les trois premières tranches et le maintien de l’ISF, mais l’augmentation de 200 euros des petits salaires a été réduite en février à une prime de 80 euros. Qui plus est, celle-ci serait financée par une taxe de 3 % sur les produits importés, et se soldera donc par une augmentation des prix de ceux-ci.

Nuit des longs couteaux au FN

De même, si Marine Le Pen revendique toujours l’abrogation de la loi travail, il faut se rappeler que les deux députés FN (sa nièce et Gilbert Collard) avaient déposé des amendements à la loi plus libéraux que la proposition initiale. En coulisse, la « ligne gauchiste » ne passe toujours pas et les cadres du FN préparent leur nuit des longs couteaux [1] afin d’évincer Philippot. Ce qui les réunit tous, le cœur du programme du FN, reste la « préférence nationale » : priorité aux Français et Françaises pour les embauches et l’accès au logement social, taxes sur l’embauche de salarié.es étrangers, suppression des remboursements de soin pour les immigré.es, etc. Tout est bon pour monter les salarié.es les uns contre les autres.

Le FN a été très silencieux sur les affaires Fillon, avant qu’on ne découvre que les assistants parlementaires de ses députés européens travaillaient en fait, en toute illégalité, pour le FN en tant que tel et non ses députés, ce qui a depuis été confirmé par le député antisémite ex-FN Aymeric Chauprade. À cela s’ajoute la sous-évaluation auprès du fisc des biens immobiliers du clan Le Pen, et le financement illégal de la campagne de 2012.

Le Pen est aujourd’hui quasi certaine d’être présente au second tour. En 2002, la présence de son père au second tour face à Chirac avait entraîné une mobilisation de masse dans l’entre-deux-tours, où il avait été difficile de ne pas se borner à la seule question du bulletin de vote à utiliser, et de faire entendre la voix d’un front social contre le Front national, pointant les responsabilités du PS et de la droite face à la montée du FN.

Le constat est le même cette année : pour la première fois un gouvernement se disant de gauche a dû faire face à un mouvement social. Même sur les questions sociétales, le PS a en partie explosé suite à la proposition de déchéance de nationalité, finalement abandonnée. La prolongation de l’état d’urgence et son détournement assumé lors de la COP21 contre les militantes et militants écolos a donné tous les outils à un futur gouvernement autoritaire pour un fichage généralisé des militants et militantes. Bref, le gouvernement Hollande a fait voler en éclats toutes les lignes de clivage traditionnelles, autorisant Le Pen à se présenter comme la candidate des « patriotes de gauche ».

Dans ce contexte embrouillé, on en peut que rappeler que le clivage central reste celui de classe. Alternative libertaire a décidé à sa coordination fédérale de janvier 2017 de porter pour ces élections le mot d’ordre : pas une voix de travailleurs et travailleuses en faveur des politiques antisociales et xénophobes, quel que soit leur bord.

Quel que soit le Président élu, une offensive se dessine contre les classes populaires. Mais celui-ci ou celle-ci n’aura pas la même légitimité pour mener cette offensive s’il y a un taux de participation ridicule, et si ses voix sont des votes par défaut plutôt que des votes d’adhésion. Et l’enjeu est bien là : il faut dénoncer dès maintenant les impostures des différents candidats afin de préparer la suite.

La manifestation du 1er Mai, qui va se dérouler pendant l’entre-deux-tours, sera une échéance incontournable quelle que soit la nature du second tour pour affirmer une ligne de classe et antifasciste. Et ensuite, il faudra qu’une nouvelle date de mobilisation se dessine rapidement, afin de ne pas laisser d’état de grâce au nouveau Président, et de ne pas céder à ­l’abattement.

Grégoire (AL Orléans)

- image : cc Colloghan

[1Le 29 juin 1934, 200 nazis des SA sont assassinés sur ordre d’Hitler, débarrassant le parti nazi de son aile populiste. Celui-ci avait en effet besoin, après son élection, de rassurer les patrons et les partis conservateurs.

 
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